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05.02.2021

"Ce qui choque en Art" le sondage exclusif Viavoice-Communic'Art est paru

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les résultats du sondage

Viavoice-Communic'Art
sur "ce qui choque en Art"
paru dans le Journal des Arts

N° 560
du 5 février 2021.

Communic’Art a demandé à l’institut de sondage Viavoice d’interroger les Français sur ce qui les choque en art, la distinction entre l’œuvre et l’artiste, et le phénomène de la « Cancel culture ». L’étude Viavoice-Communic’Art dont Le Journal des Arts publie les résultats dans son numéro du 5 février 2021 est le premier sondage exhaustif sur la provocation en art
 
 
"JE SENS MONTER UNE MENACE SUR LA LIBERTÉ D'EXPRESSION"
FRANÇOIS BLANC,
FONDATEUR DE COMMUNIC'ART
 
Interview parue dans le Journal des Arts
N° 560 du 5 février 2021
Propos recueillis par Jean-Christophe Castelain
www.lejournaldesarts.fr
 

Pourquoi avez-vous commandé cette enquête à Viavoice ?

Je sens monter, dans le domaine de la culture, une menace sur la liberté d’expression. Tout comme aux Etats-Unis, les universités, les musées et les artistes eux-mêmes, en France aussi, sont entravés par des activistes qui se réclament de minorités et qui exigent le retrait d’œuvres et la mort professionnelle de tel ou tel, parce qu’il aurait offensé telle communauté ou telle sensibilité. D’une façon qui dessert leur cause.

J’ai souhaité interroger l’opinion pour mesurer la réaction des Français à cette menace contre les valeurs républicaines et universalistes qui fondent notre culture et me concernent en tant que citoyen.

Les institutions culturelles sont-elles de plus en plus confrontées à des situations de crise ?

Faut-il rappeler l’exigence de retirer la statue de Colbert, la demande de retrait d’une fresque de Di Rosa à l’assemblée nationale, les pressions anachroniques visant les Suppliantes d’Echylle, la mise au ban de JK Rowling accusée de transphobie ou l’assimilation de Philip Guston au Klu Klux Klan ?

Des campagnes planétaires de dénonciation sur les réseaux sociaux, frappent des musées, des universitaires, des artistes, au prétexte par exemple qu’il est interdit d’évoquer une communauté sans y appartenir.

Les professionnels de la culture, parce qu’ils défendent l’émancipation des individus, sont désemparés pour répondre et résister à l’argumentation biaisée de ces faux antiracistes, de ces faux féministes, de ces faux démocrates.

Quels conseils donneriez-vous aux institutions confrontées à de telles situations ?

Il leur faut anticiper. Trop souvent, les institutions mises en cause par des minorités réagissent dans la panique, puis baissent les bras et abdiquent.

Je conseille, en amont, de prendre en compte la sensibilité de la société - l’égalité, la considération pour chacun... - d’anticiper sur les éventuelles critiques, sans naïveté.

Ensuite, si la tempête se déclenche, l’artiste, le conservateur, la direction d’un musée, l’éditeur, doivent - à condition d’avoir une bonne compréhension du pouvoir des media - pouvoir se tenir debout sur leurs valeurs, et défendre la liberté de leur expression.

 

Entretien avec Arnaud Zegierman,
sociologue et fondateur de l'institut de sondage Viavoice

"IL Y A UN RISQUE DE CENSURE OU D'AUTOCENSURE DE L'EXPRESSION ARTISTIQUE"

Interview parue dans le Journal des Arts
N° 560 du 5 février 2021
Propos recueillis par Jean-Christophe Castelain
www.lejournaldesarts.fr

 

55 % des Français considèrent qu’il faut distinguer un artiste de son œuvre. Est-ce une majorité nette ?

À ma connaissance et étonnamment, c’est la première fois que l’on pose cette question aux Français ; on manque donc de recul pour identifier une tendance.

Dans l’absolu, oui, les Français, dans leur majorité, considèrent qu’il faut distinguer l’œuvre de l’artiste et l’écart de 20 points avec ceux qui pensent l’inverse est important.

Pour autant, il ne faut pas minorer les 33 % de ceux qui pensent que le travail d’un artiste ne doit pas être soutenu si ses comportements privés sont critiquables.

On ne sait bien sûr pas quels artistes-auteurs avaient en tête les Français quand ils ont répondu (Céline, Polanski…), mais ce qui est certain, c’est que les Français, contrairement aux Américains, considèrent que les frasques sexuelles relèvent de l’intime et ne doivent pas être prises en compte. Je ne parle pas bien sûr de ce qui relève du pénal, des actes de pédophilie, d’inceste ou de viol.

On observe également un taux élevé de « sans opinion » (12 %), alors que le seuil d’alerte est de 5 %, ce qui montre bien que les opinions ne sont pas figées.
 

"EN FRANCE, L'ART A UN STATUT PRIVILÉGIÉ, ON "LYNCHERA" PLUS FACILEMENT UN CHEF D'ENTREPRISE QU'UN ARTISTE"
 

Justement, lorsque l’on pose la question un peu différemment, la réponse est inverse, ils ne sont plus que 39 % à considérer « qu’il ne faut pas prendre en compte les comportements personnels pour évaluer une œuvre ». Comment l’expliquer ?

On comprend vraiment l’opinion avec un faisceau de questions différentes, pour mieux cerner la cohérence des perceptions.

Ce que montre l’analyse des résultats, c’est que plus on est connu, plus le travail est public, plus les Français considèrent qu’il faut prendre en compte les comportements personnels.

Et dans l’imaginaire des Français, en l’espèce, les artistes se situent entre les hommes politiques (74 % pensent qu’il faut prendre en compte les comportements personnels) et les chefs d’entreprise (32 %).
 

Qu’est ce qui est sous-jacent dans ces réponses ?

Ce qui obsède les Français, ce sont les privilèges. Ils n’aiment pas que les hommes politiques, les chefs d’entreprise ou les artistes profitent de leur statut pour bénéficier de passe-droits.
 

Comment expliquer que les 18-24 ans soient plus exigeants que leurs aînés (59 % contre 51 %) sur la prise en compte du comportement personnel d’un artiste pour évaluer son travail ?

Il y a toujours dans la presse la représentation d’une jeunesse plus ouverte et moins conservatrice que la génération précédente. Or la « jeunesse » n’existe pas, il n’y a pas d’homogénéité des jeunes.

Les jeunes ressemblent à leurs aînés sauf sur certaines thématiques : la défense des minorités, l’utilisation du numérique.

De manière générale, quels que soient les sondages, le lieu de résidence ou le niveau de diplôme comptent plus que l’âge.
 

Regardons maintenant, l’œuvre pour elle-même. Il semble que la nudité, la critique de la religion ou du pouvoir politique ne soient plus des thèmes provocateurs en art ?

Oui, on peut dire cela, aucun de ces thèmes ne dépasse 34 % de « oui, c’est provocateur ». Et on en a la confirmation avec le taux de « oui, tout à fait d’accord », qui est au maximum à 11 %.

Cela équivaut à la proportion de Français réfractaires à tout, outrés en permanence, que l’on retrouve sur de très nombreux sujets !

Il y a cependant une petite inflexion pour « la critique de la religion » (34 % pensent que c’est provocateur). Ce taux plus élevé s’explique sans doute par le fait que certains ont répondu en ayant en tête « on critique ma religion », en prenant cela pour une forme de racisme. La critique de la religion n’est perçue comme gênante en France que par une minorité. Mais ce n’est pas la même chose lorsque certains estiment que cette critique masque une forme de racisme. Ce qui peut être vrai.

De la même manière, certains brandissent l’argument du racisme à mauvais escient car ils refusent tout simplement la critique !
 

En revanche, autant la nudité ne choque que 16 % des répondants, autant ils sont 30 % à estimer que la nudité ne devrait pas être visible dans l’espace public. Comment expliquer cela ?

Le taux de 30 % bondit même à 39 % pour les 18-24 ans. Pour les plus jeunes, la représentation de la nudité s’apparente souvent à une manière de véhiculer une iconographie machiste. Ce n’est pas la nudité qui perturbe, c’est la manière de représenter les femmes.
 

Qu’est-ce qui serait provocateur alors en art ?

Pour en avoir une idée, il faudrait étudier ce que les institutions publiques ne montrent plus, ou de moins en moins.

Personnellement, il me semble que la remise en cause du patrimoine, lequel est sacralisé en France, serait jugé très provocateur.

Récemment, Stéphane Distinguin, le PDG de Fabernovel, a publié une tribune appelant à vendre la Joconde pour aider le secteur culturel en temps de crise. Cela a suscité de nombreuses réactions, mais cela soulève des questions fondamentales. Comment positionner le curseur entre la valorisation du patrimoine artistique et le développement de politiques qui favorisent la création ?
 

Le sondage a également interrogé les Français sur le phénomène de « cancel culture ». Ils ne sont que 6 % à savoir ce que c’est. Est-ce une surprise ?

Non, c’est un phénomène récent et c’est normal qu’une toute petite minorité de gens, qui appartiennent aux « gens de partout », selon l’analyste britannique David Goodhart, c’est-à-dire ceux qui ont une vision internationale de leur monde, le connaissent.

Il faut cependant ajouter les 8 % de répondants qui connaissent l’expression sans savoir ce que c’est. 14 %, ce n’est pas tout à fait anecdotique.

En revanche, si l’expression est peu connue, la réalité qu’elle désigne l’est plus. Et lorsqu’on l’explique aux répondants, ils sont 65 % à considérer que c’est un risque réel pour la démocratie.
 

Y a-t-il donc un risque pour la démocratie ?

Pas pour l’instant. On est encore loin en France de ces pratiques si répandues aux États-Unis. La culture du débat est importante chez nous et l’on a conscience que la démocratie est fragile lorsque l’on regarde les autocrates dans le monde.

69 % estiment qu’il faut combattre, avec des arguments, une idée avec laquelle on est en désaccord : c’est massif. Ils ne sont que 8 % à vouloir interdire son expression. En démocratie, l’opposition est institutionnalisée, ce n’est pas une option.

Les réseaux sociaux donnent le sentiment du contraire. Quand on lit son fil Twitter, on a l’impression d’être au bord de la guerre civile. Mais de manière fallacieuse, car ce n’est représentatif de rien ! Cela dit, ces réseaux sont responsables des bulles de filtre et ont renforcé l’entre-soi : on a de plus en plus de mal à débattre avec des personnes qui ne partagent pas nos idées. On sait de moins en moins « s’engueuler » et il y a une véritable tendance à voir ses opposants comme des ennemis.
 

Observez-vous un lissage de l’expression artistique au nom de la peur d’être ostracisé dans les médias et réseaux sociaux ?

Rappelons d’abord qu’en France, l’art a un statut privilégié, on « lynchera » plus facilement un chef d’entreprise qu’un artiste.

Pour autant, il y a un risque de censure ou d’autocensure de l’expression artistique, principalement dans la sphère publique, alors que le privé me semble plus libre, moins frileux.

Je constate de plus en plus dans les institutions publiques le côté « on ne prend pas de risque ». Et, comme en France, la place du public est très importante dans la diffusion de la culture, cela a des conséquences sur la diversité de ce que l’on voit dans le monde de l’art.

Je vois cependant une opportunité pour les artistes de recréer du commun par un langage qui n’est pas rationnel, argumenté. Pablo Picasso raconte Guernica différemment d’un journaliste et cela émeut tout le monde.

On parle beaucoup en ce moment de l’art et de la culture en évoquant les difficultés financières consécutives au Covid-19.

Mais dans une société qui vit une période difficile, il ne faut surtout pas oublier que l’art est un puissant vecteur de réflexion, de lien social et d’allégresse !


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