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Le Bicolore - Maison du Danemark à Paris convoque "The Future of the Past", exposition collective entre pop culture et patrimoine commun.
Une planche, des tréteaux, une bâche en cas de pluie. Dessus et autour un savant désordre d’objets, plus ou moins anciens, plus ou moins précieux. Pour flâner ou pour chiner, on retrouve des jouets familiers, des vêtements désuets, des accessoires de décoration d’une autre époque. Objets domestiques, ils ont cette force mémorielle de nous transporter dans nos souvenirs et d’appartenir à un fond commun de connaissance, un patrimoine de la consommation.
Bricoles, totems de nos héritages, objets gri-gri de notre modernité, sur un stand éphémère de rue ou au Bicolore, les œuvres sont chargées d’affectivité, de nostalgie dernier-cri. "The Future of the Past" emprunte à la brocante ses symboles génériques et rejoue cette expérience émotive et sociale pour évoquer la standardisation et l’uniformisation de nos consommations et consciences induites par le capitalisme, que le peintre Asger Jorn décrit selon ces termes : « Cet enfer criard, cette démonstration de la domination de la marchandise sur l’être humain, ce mépris envers l’infériorité désemparée de l’être humain devant la machine sont considérés par bien des modernistes comme le signe d’une démocratie très évoluée. La dernière pointe d’humanité a ainsi disparu de notre art social ou commun. ».
Porte de Montreuil, Place du Jeu de Balle, El Rastro, Mauerpark… pour les amateur·rices de marché aux puces et brocantes, ces lieux évoqueront peut-être des souvenirs familiers. Des grandes capitales européennes aux petits bourgs de campagne, la brocante est un espace-temps quasiment générique, que l’on cherche ou que l’on trouve au hasard d’une rue. Sur les étals, sur des portants, à même le sol, dans des caisses, des cartons, des valises béantes, c’est un bric-à-brac joyeux, désordonné et intime. Des antiquités côtoient des jeux pour enfants en plastique, alors que des gravures anciennes font face à des posters de la tournée historique de Céline Dion. Plusieurs époques et plusieurs styles cohabitent éclectiquement, chacun chargé de sa propre nostalgie. Les brocantes sont le lieu où le concept d’afterpop du chercheur Eloy Fernández Porta devient visible et palpable. Afterpop signifie que nous serions après le pop et après la pop, c’est-à-dire à la fois après « le populaire » comme catégorie de la sociologie culturelle et après « la pop » comme tendance culturelle.
Une nouvelle étape où le passé devient futur et inversement, où force est de constater que la production culturelle capitaliste a bel et bien digéré les folklores locaux. Nombre d’artistes ont recours à cette nouvelle esthétique de l’afterpop, détournant et ironisant sur cette standardisation qui tend vers un nobrow ou zone floue entre high et low culture. Car ce lissage des goûts et des consommations s’impose tout en cachant la persistance et l’accentuation des disparités sociales, même pour des pays, comme le Danemark, où l’État-Providence est censé assurer à chacun·e le même bien-être.
Chaque œuvre transcende et transite d’une sous-culture à une autre, d’une période de référence à une autre, d’un désordre à un autre, en assumant une part critique indéniable sur que la société amalgame, de récits et de représentations, et sur le duo producteur-consommateur que nous incarnons tous·tes.