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SANG NEUF, une expo proposée par MARIE DUFFOUR & RENAUD DONNEDIEU DE VABRES
Pour sa première exposition, le site Internet ARTSPER donne carte blanche à l’ancien ministre de la culture Renaud Donnedieu de Vabres et à une jeune curatrice Marie Duffour, chargée de communication à Communic'Art. Ensemble, ils proposent une exposition intitulée « Sang Neuf », qui explore le thème des emprunts et des citations dans la production contemporaine. Une exposition qui invite à la réflexion sur la nature du rapport entre l’oeuvre qui emprunte et l’oeuvre source.
De la simple citation au clin d’oeil amusé, du pastiche à l’emprunt assumé ou distancié, les oeuvres réunies dans l’exposition proposent diverses approches de l’art du détournement.
Artsper: Marie, vous êtes à l’origine du thème emprunts et citations dans la production contemporaine, pourriez-vous nous en dire un peu plus et nous l’expliquer mais aussi nous donner les raisons qui vous ont poussées à choisir ce thème?
M.D. : La citation est un élément dans un tableau ou dans une œuvre qui reprend un élément stylistique d’un autre artiste qui est plus mondialement connu en général. J’ai donc décidé de travailler sur ce thème parce qu’en me baladant sur le site je me suis rendue compte que la pratique de l’emprunt était vraiment récurrente chez les artistes que vous présentez. C’était important car ça ne me limitait pas sur un seul medium ; il y a de la photo, de la peinture, c’était aussi l’intérêt de ce thème.
A: Renaud Donnedieu de Vabres, c’est vous qui avez apporté l’idée de présenter les œuvres en binôme. Pouvez-vous nous expliquer le choix d’une telle démarche ?
R.D.D.V : Ce qui me fascine au fond dans la création c’est de savoir qu’elle vient de quelque part : on n’imagine que l’artiste ou que soi-même, quand on a une idée nouvelle, qu’elle vient de nulle part, qu’elle n’a pas d’origine, qu’elle n’a pas de racine. Ce ce que je trouve intéressant, c’est de voir qu’il y a toujours une forme de filiation et au fond le plus important c’est l’énergie, c’est le talent, c’est d’avoir un regard nouveau et parfois sur des thématiques qui existent déjà. J’ai trouvé que dans les œuvres qui étaient présentées effectivement il pouvait y avoir des réminiscences ou des contradictions. C’est cela qui est intéressant; on peut parfaitement imaginer qu’une œuvre très concrète puisse être mise en relation avec quelque chose au contraire de très abstrait mais qui représente un même concept, un même foisonnement, une même idée. Un jour j’ai rencontré quelqu’un qui avait eu une phrase extraordinaire ; décorant quelqu’un pour le patrimoine en disant « vous n’êtes pas chargé de conserver mais de restituer l’énergie initiale ».
A: On a récemment vu des problèmes de droit d’auteur notamment avec l’affaire Richard Prince et Patrick Cariou. Quelle est selon vous la frontière à ne pas franchir entre emprunt et plagiat ? Jusqu’où l’artiste peut aller ?
M.D. : Pour nous la limite se trouve vraiment dans le respect de l’œuvre source. L’intérêt d’un emprunt, il faut vraiment que l’artiste arrive à se réapproprier le travail de l’artiste initial avec son propre style, son propre univers, et qu’il arrive à faire une œuvre originale et indépendante de l’œuvre empruntée. Il doit apporter quelque chose à l’œuvre.
A: Comment s’est passée votre collaboration ? Qu’avez vous appris l’un de l’autre ? Comment avez-vous fonctionné ? Est-ce que ça s’est bien passé ?
R.D.D.V. : Ah ça n’a pas été la guerre ! (rires) Non parce que je pense que la thématique était intéressante, c’est à dire, de se dire des comparaisons, et je pense qu’œuvre par œuvre on aurait pu avoir des démarches très différentes alors que là on s’est réparti les œuvres. Mais au fond à travers une même œuvre d’origine, on aurait pu certainement échafauder des idées différentes. On s’est bien retrouvé sur le concept et puis chacun entre en résonance ensuite. Il y avait certaines œuvres que j’aimais particulièrement. Je ne dis pas que j’ai artificiellement voulu les caser, ça n’aurait pas été le jeu et le système qu’on avait retenu.
M.D. : J’ai d’abord fait une première sélection d’œuvres que j’ai soumise à Monsieur le Ministre. C’est lui qui a eu l’idée de rapprocher les œuvres par binômes pour aller plus loin que la notion d’emprunt. Ça a été évidemment très stimulant pour moi de pouvoir échanger avec lui sur les œuvres, c’est quelqu’un qui a une très grande connaissance de l’histoire de l’art et son expérience a été très précieuse pour mener à bien ce projet.
A: Si vous deviez garder un seul des artistes cités dans l’exposition lequel retiendriez-vous ?
R.D.D.V : J’aime bien l’artiste iranienne (Gohar Dashti) qui a fait les photos qui sont décalées par rapport à l’actualité et en plein dans l’actualité. Je trouve qu’elle traduit parfaitement bien par des photos un peu étranges, un peu irréelles, la violence mais la douceur, la poésie mais l’aspect fascinant de cette partie du monde, l’Iran, cette immense culture, cette immense civilisation. J’avais envie de lui donner un coup de chapeau.
M.D. : J’ai eu plusieurs coups de cœur mais je vais essayer d’en garder un seul. Il s’agit du travail d’un jeune artiste français, Clément Cogitore, représenté par la galerie parisienne White Project. Dans son œuvre We are legion, l’artiste reprend ici la composition du tableau de Manet Le déjeuner sur l’herbe qui trouve lui même son origine dans des œuvres de la Renaissance Italienne. Je pense à Raphaël et Giorgione. Ici Clément Cogitore emprunte l’œuvre de Manet en lui donnant un message totalement diffèrent puisqu’il s’agit d’un groupe de jeunes assis dans l’herbe portant les masques des Anonymous, ce collectif qui milite en faveur de la liberté d’expression sur Internet.