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URDLA accueille en résidence l'artiste Anne-lise Broyer pour une exposition monographique prévue en automne 2024
S‘emparer d’un récit pour fabriquer des images se révèle une approche nécessaire dans le travail d’Anne-Lise Broyer. Après une longue expérience du côté de Georges Bataille, la plasticienne se saisit de La Maladie du Sens (2001, Éditions P.O.L.) de Bernard Noël.
Proche de la plasticienne, mais également de URDLA, qui l’édita à plusieurs occasions, Bernard Noël propose un texte étonnant : portrait détourné de Stéphane Mallarmé (1842-1898) du point de vue de son épouse. Un texte qui parvient selon l’artiste : « à restituer l’un et l’autre, depuis l’intérieur des sentiments et de la langue, dans un jeu très grave où s’échangent la chair des mots, leur sonorité et leur sens. » Anne-Lise Broyer, livres, extrait de la série La Maladie du Sens, 2023.
Car c’est bien Mallarmé qui fait office de matrice de cette expérience comme d’une traversée de sa vie et de son œuvre par l’image. De Bernard Noël, Anne-Lise Broyer puise davantage une méthode, un dispositif : « parler à l’intérieur de langue ». Il s’agit de tenter de rendre visible la bascule de la pensée vers l’écriture.
Ce travail, loin d’être un simple reportage photographique, se conjugue à celui de l’image imprimée. En découle une production d’images complexes, qui mêlent lithographie (impression de dessins au préalable réalisés sur une pierre calcaire), imprimée sur tirages argentiques et papier photographiques. Des images qui se veulent pour Anne- Lise Broyer : « Dans une esthétique très minimaliste proche des films de Dreyer, dans un dénuement du motif comme les peintures d’Hammershøi empêchant toute bavure de l’expressivité et de la narrativité, mes images tenteront de rendre compte de son obsession d’un ajustement de la langue dans cette hésitation prolongée entre le son et le sens. Le point de vue sera tournant, tantôt celui du poète, tantôt celui de cette femme qui observe la pensée au travail sans la comprendre. » La fabrication de telles images conduit la plasticienne à « rejouer la matière photographique ». Au-delà du simulacre et du défi technique de joindre ces pratiques attenantes tant dans leur histoire que leur utilisation. Pour Anne-Lise Broyer, ce frottement des matières vient à traduire la porosité entre les techniques, entre les disciplines qu’elles soient plastiques ou littéraires. Ce dialogue dans la matière de l’image conduit à la fabrication d’une « écriture par l’image », ainsi tente-t-elle de fabriquer une image comme on écrit un poème.
Anne-Lise Broyer s’appuie sur des analogies venues aussi bien de Noël que de Mallarmé qui affirmait que le vers est le « concours de tous les arts suscitant le miracle ». Ce vers spontané, sera creusé au moyen de la pointe, du dessin et de l’appareil. Chaque sillon, chaque creusement a pour vocation de révéler le « dessous » du visible en décelant l’espace émanant de chaque image. À URDLA, Anne-Lise Broyer cherche donc à s’emparer d’une impossibilité : celle de tordre la langue de l’estampe pour faire « expérience de la littérature par le regard ». Un travail d’écriture par la matière qui a été récompensé par la bourse Stampa de 2023, un dispositif de l’ADAGP visant à soutenir la création d’œuvres utilisant les techniques de gravure et d’impression. Des œuvres qui nourriront une exposition en résonance avec le grand Congrès International d’Histoire de l’Art de 2024 tenant pour thème : matière/matérialité.