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05.01.2022
Carpenters Workshop Gallery PRÉSENTE "FLESH OF A SPIRIT" SOLO SHOW DE KENDELL GEERS DU 13 JAN. AU 31 MARS 2022
Carpenters Workshop Gallery a le plaisir d’annoncer la prochaine exposition de l’artiste sud-africain Kendell Geers « Flesh of the spirit » qui réunit une série d’oeuvres sculpturales inédites, du 13 janvier au 31 mars 2022.
À PROPOS DE L’EXPOSITION
L’art et la philosophie Kongo, Yoruba, mandingues, Ekoï … ont illuminé les rives des Amériques, connectant entre elles toutes les cultures de l’Atlantique noir. Des signes, des formes, des figures – visibles, tangibles – manifestent l’unité de l’esprit qui se déploie à travers les mers, les îles, les continents. Si les cartes de la mort et de la violence témoignent du temps où les corps africains furent déportés dans les bateaux négriers, elles tissent également les fils d’un récit où l’Afrique s’est continuée ailleurs, hors de ses terres. Non pas simplement une trace. Mais une pulsation. Des reliefs. Un modelé. Des mots, des rites. Une identité. Robert Farris Thompson a recomposé, dans Flash of the spirit, les figures, les couleurs, les idées qui témoignent de cette géographie des similitudes et des filiations spirituelles, esthétiques, des mondes de l’Atlantique noir.
Flash of the spirit – Flesh of the spirit. De l’éclat à la chair, quelque chose se démonte, pourtant, chez Kendell Geers. L’esprit n’est plus simplement l’autre mot pour décrire une inspiration commune ; il fait signe vers des phénomènes difficilement explicables, tel un poltergeist – un esprit qui frappe. Car la question de l’identité, de ce qui est un, loge aussi celle du simulacre – ce qui n’a que l’apparence de ce qu’il prétend être. Une fois que l’esprit se fait chair, le faux se confond avec le vrai, l’invisible prend toutes les formes possibles – ce qui excède nettement le format duel du modèle et de la copie. Dans le monde de l’incarnation, l’unité du référent se brise. Un espace s’ouvre, alors, pour explorer les doubles, le jeu, l’étrangeté, la fausse reconnaissance et les fausses perceptions – les troubles de l’identité. Qu’est-ce que l’ « art africain » ? Se compose-t-il de similitudes plastiques tangibles ? Ou même, pour le dire comme Senghor1, exprime-t-il l’unité d’une spiritualité, d’une philosophie ?
Sur un support-miroir, une immense sculpture de bronze : une femme sans mains, dont les formes font écho à l’idée fabulée d’une statuaire africaine ancienne qui demeure indéfinie. Elle est entourée de huit masques de bronze, posés sur un appui qui les reflète les uns, les autres. L’un deux est inspiré d’un masque de maladie Pende Mbangu, aux traits déformés, témoignant d’un mal à la fois physique et spirituel. Sur les murs, un papier peint aux couleurs vives. Il pourrait sembler africain, mais il est marqué par une typographie reprise à l’artiste du mouvement hollandais De Stilj, Théo van Doesburg. Des Pays-Bas à l’Afrique du Sud – pays de Geers : l’histoire de l’Empire confronte celle de la création qui, en s’opposant à sa violence, la transforme et façonne une autre compréhension de la vérité. La distorsion des mots « beLIEve », sur le papier peint, pointe les limites de ce que nous croyons. Un texte en guise de reflet. Le dispositif est posé sans détour : mentir, croire – le mensonge devenu la mesure transparente de nos croyances.
Dans The invention of Africa, le philosophe Valentin-Yves Mudimbe analyse, dans une veine foucaldienne, le tableau « Exotic tribe » d’Hans Burgkmair, peintre renaissant d’Augsbourg. Il représente un garçon, un homme, une femme assise avec un bébé appuyé contre sa poitrine. Cette peinture exprime un ordre discursif – l’ordre de la ressemblance : il faut appréhender la diversité des cultures à travers une même référence humaine universelle. Les personnages du tableau sont ainsi des blancs peints en noir (blackened whites2). La différence exotique se construit à travers une accumulation de détails (bracelets, cheveux crépus etc.) posée sur un référent initial. Ainsi s’invente l’identité de l’autre, à travers une série d’ajouts et de retranchement qui affectent l’unité du modèle premier européen.
Avec Kendell Geers, c’est ce jeu des ressemblances qui se retourne. Qu’est-ce qui se loge dans notre regard et l’informe ? Le corps de la femme de bronze, présence imposante de Flesh of the spirit, s’affirme comme une énigme. Il est marqué. Cicatrices, entailles – signes de la souffrance, qui rappellent les douleurs, la mémoire qui suffoque. Mais il n’est pas sûr que ce soit, ici, l’image du calvaire qui l’emporte. Les traces le long de la colonne vertébrale sont des traces de doigts, des empreintes digitales qui marquent la peau de métal. Ces mains apposées sur le bronze, ce sont celles de Geers, figure-thaumaturge. Les organes de l’artiste se déplacent d’une sculpture à l’autre : sa bouche, devenue celle de la femme de bronze, se mue pour avaler celle d’un masque. Des tessons de bouteille sont des bras, ils composent ses muscles et son squelette. Un bouchon forme son nombril, un réceptacle apposé sur son abdomen comme les miroirs-reliquaires des Nkisi Nkondi, sculptures de la statuaire Kongo qui, durant la période coloniale, furent appelées des « fétiches ». Chaque Nkisi incarne une force invisible, qui peut être activée, contrôlée ou soumise grâce à un rituel précis. Le miroir est le lieu de la réflexion de l’esprit : il part d’un point à un autre, puis revient. De l’Europe à l’Afrique aux Amériques, il ne s’agit pas d’un aller simple, mais d’une infinité d’allers-retours. L’idée du Centre suffoque et s’effondre.
La perception peut s’emballer : la sculpture semble magnétique, chargée comme un Nkisi. Ses formes évoquent les mondes plastiques des peuples Bakongo, mais pourtant tout est de Geers. Deux masques pende dont les nez ont été déformés se logent au milieu des figures qui entourent cette présence centrale. Qu’est- ce qui est africain, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Qu’est-ce qui revient à l’Afrique dans ces jeux de ressemblance esthétiques où l’Europe n’est plus le référent initial ?
Ces questions qui parcourent le travail curatorial de Geers, notamment celui qu’il mena avec Sindika Dokolo pour l’exposition Incarnations (BOZAR, 2019), se redéployent ici dans son travail d’artiste. Le modèle plastique est afrocentrique – il prend l’Afrique pour centre, mais ce qui importe, ce n’est pas de recomposer l’unité d’une identité. Il s’agit de troubler le jeu des continuités et des filiations, de remodeler des familles, créer de nouveaux liens de parenté, en se plaçant des deux côtés du miroir. Les différentes peintures qui composent « Masking tradition », au-delà de leur langage technique, interrogent les présences africaines dans les avant-gardes européennes du début du XXe siècle. Qu’est-ce que reprendre une forme culturelle ? À rebours de toute captation violente, unidimensionnelle. Comment convoquer l’esprit des formes et fabriquer des figures rétives à la possibilité même d’être fixées dans une catégorie, d’être ramenées à l’univocité d’un récit – celui qui croit (beLIEve) qu’il existe un centre et une périphérie ?
Non plus simplement les exposer ceintes des murs blancs, qui soulignent leur absoluité. Mais refuser, bien plutôt, qu’elles puissent fonctionner comme un signifiant qui ne fait retour que sur lui-même. Extrait de la vie réelle, dans sa plus immédiate banalité.
Une oeuvre peut posséder. Vouloir du mal. Chasser les ennemis. Comme elle peut guérir. Le bronze de Geers, monumental, qui se dresse au milieu du miroir, est un bronze guérisseur. Un Nkisi Nkondi contemporain, composé d’artefacts qui racontent la traversée, souvent violente, de plusieurs mondes. Des textures, recouvertes d’écritures, de signes s’entremêlent sur la matière, forment une multiplicité de couches. La main de l’artiste sur le bronze apaise celleux dont la tête butte contre le langage autoritaire des identités, qui exige qu’on dévoile ou découvre son visage, qui bloque le mouvement en le confrontant à la brutalité d’une frontière, qui contrôle la respiration, les marges ciblées comme une maladie. Relier les corps, voyager, muter. Les oeuvres de Geers déploient tous les possibles d’un espace trans. Repaire privilégié et clandestin de celleux qui, perdus de l’autre côté du miroir, convoquent un monde où la physique des corps (s’aimer, se parler, se toucher…) renforce la puissance rebelle d’un esprit qui n’est que migration.
NADIA YALA KISUKIDI
Philosophe française et africaniste
Elle est spécialiste de la pensée d’Henri Bergson et des études postcoloniales
À PROPOS DE CARPENTERS WORKSHOP GALLERY
De l’art fonctionnel aux articles design de collection, Carpenters Workshop Gallery produit et expose aujourd’hui des sculptures fonctionnelles créées par des designers et des artistes internationaux émergents ou établis qui repoussent les frontières de leur univers créatif traditionnel.
La galerie s’intéresse activement à la recherche et à la production d’oeuvres en édition limitée. Ses choix sont guidés par la quête d’une pertinence émotionnelle, artistique et historique — une pertinence qui doit s’imposer comme une évidence.
En 2015, la galerie a ouvert The Workshop à Roissy, un atelier inédit de 8 000 mètres carrés dédié à la recherche artistique. Il réunit une équipe d’artisans ultra compétents en hommage au patrimoine français des « Arts décoratifs ».
La galerie repose sur un partenariat entre deux amis d’enfance, Julien Lombrail et Loïc Le Gaillard. Ils ont ouvert un premier espace en 2006 dans un ancien atelier de charpentier situé dans le quartier londonien de Chelsea. Ils exploitent aujourd’hui quatre galeries dans le monde entier, Londres, Paris, New York et plus récemment San Francisco.
Carpenters Workshop Gallery est devenue la référence dans le milieu. En outre, elle domine le secteur mondial du design contemporain de collection.