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L’AGENCE d'architecture d'intérieur Moinard Bétaille SIGNE LE RÉAMÉNAGEMENT DU CHÂTEAU TROPLONG MONDOT À SAINT-ÉMILION
Le chai, creusé à plus de dix mètres de profondeur, coupe le souffle. Au premier coup d’oeil, le ton est donné. Par son volume, sa lumière et les matériaux utilisés, le lieu dissipe toute pensée nostalgique. Avec ce chai, Bruno Moinard et Claire Bétaille font entrer l’élégante propriété du XVIIIe siècle dans son temps et prennent date. Le lieu célèbre tout autant le terroir et le génie des fondateurs que l’esprit d’avant-garde.
Par une passerelle qui surplombe les barriques, le visiteur accède au restaurant et au bar, ainsi qu’à la boutique. Cet étroit passage de circulation est incrusté de cabochons de lumière de forme octogonale et bordé de verre laissant le regard plonger dans le vide au-dessous. Les garde-corps, eux-mêmes vitrés, captent les reflets des cabochons au sol, donnant l’illusion de marcher sur un ciel d’étoiles.
Cette sensation de flotter dans la pénombre invite le visiteur à se mettre en alerte, dans un nouvel état d’esprit, en quête de neuf : la passerelle est un pont vers l’inconnu, un mystère en elle-même, qui éveille les sens et dispose à la présentation des vins, dont le point d’orgue attendu sera la dégustation.
Le cuvier est le lieu de naissance du vin.
Véritable outil à la hauteur des ambitions d’excellence du domaine, il a été pensé pour le confort du travail tout en offrant une technicité toujours plus précise.
La lumière chaude et le plafond discrètement sophistiqué, tout en facettes de bois blond lamellé formant une voûte et laissant sourdre un éclairage spirituel, jouent avec la froideur de l’inox. Selon les usages et les heures, un mécanisme lumineux installe la pénombre ou laisse entrer le jour.
Le dialogue entre l’étage et l’espace inférieur est encouragé par des plongées spectaculaires et une déambulation fluide. Ces percées entre les différents niveaux ont été réalisées afin de faciliter l’échange entre le personnel du chai. Les montants métalliques des garde-corps, en zigzag insolites, ainsi que la section des piliers rappellent encore l’octogone.
En façade, Bruno Moinard et Claire Bétaille ont installé un sas de verre, comme un prolongement quasi transparent, léger, posé devant le bâtiment. Cette capsule crée une sensation d’être dedans tout en étant dehors, et renforce l’immersion dans le paysage des vignes qui viennent presque toucher la maison. De ce point d’observation, les convives surplombent le domaine de 43 hectares d’un seul tenant, au sommet de l’appellation Saint-Émilion.
La salle de restaurant invite à découvrir la lumineuse cuisine du Chef David Charrier et son équipe du restaurant Les Belles Perdrix. L’intimité des convives est protégée par des écrans de verre teinté, couleur ambrée, et habillés de bois. Le matériau a été choisi légèrement miroitant, troublant la vue sans occulter le second plan. La nouvelle cheminée, placée juste dans l’axe de l’extension en verre, face aux vignes, apporte ce qu’il faut de chaleur. Au fond de la salle, les miroirs hauts et étroits, alternant avec des panneaux de bois sombre, rappellent les meurtrières incisées dans le chai magistral.
Chaque détail a été pensé pour souligner l’identité d’une propriété viticole exceptionnelle. Les griffures au plafond, autre rappel du chai, évoquent les rangs de vignes, vus du ciel, épousant les irrégularités du relief. Selon l’heure de la journée et la hauteur du soleil, la lumière y crée un paysage changeant, miroir des parcelles alentour. Le sol est tapissé de pierre beige, sans rupture avec l’extérieur. Ici encore, l’octogone fait un clin d’oeil aux visiteurs attentifs.
Pour les assises, Bruno Moinard et Claire Bétaille ont, comme toujours, été très attentifs au choix du tissu et à ses motifs. Ici, conçu en trame de toile de jute sur laquelle a été tissé du velours, il est délibérément irrégulier, intégrant le siège dans le paysage. Avec cette patine hors du temps, on évite l’effet de neuf ou de « faux vieux », tout en renforçant l’ambition première du projet : traverser les années en se projetant dans le futur.
Quelques pas mènent au château, typique de l’architecture XVIIIe des propriétés viticoles de Saint-Émilion.
Attaché à la sophistication des palaces autant qu’à l’hospitalité des hôtels de charme, le duo d’architectes a clarifié et modernisé ces espaces. Les chambres confortables invitent les clients à vivre, au coeur des vignes, une expérience harmonieuse.
Si l’on est toujours dans la demeure séculaire, la distribution des espaces ainsi que la décoration ont été entièrement repensées. Pour laisser entrer la lumière et dégager la vue, un généreux appel au verre a été fait. La circulation, étonnamment fluide, invite à la déambulation, offrant des espaces généreux et accueillants.
Dans l’entrée principale, l’escalier menant à l’étage des chambres a été déplacé pour dégager pleinement la perspective, côté jardin et côté vignes. Au sol, un tapis de tomettes octogonales, similaires à celles du chai magistral, renforce à la fois l’harmonie entre les espaces et l’identité du lieu.
Les nouveaux volumes des espaces de réception, au rez-de-chaussée, ont été entièrement réétudiés pour optimiser l’impression de bien-être et de convivialité. Dans le salon et la salle à manger, la sélection de mobilier aux lignes généreuses se décline dans des camaïeux de beige et gris, ponctués de vert et bleu, typiques des coteaux du Libournais.
Dans la salle à manger, une cinquième fenêtre a été rouverte pour mettre en valeur la grande table de partage, accueillante et conviviale. Comme à leur habitude, Bruno Moinard et Claire Bétaille ont aménagé des transitions douces entre des univers visuels différents, avec un équilibre maîtrisé. Ainsi, le jeu de contrastes en noir et blanc trouve un accord surprenant avec le mobilier de tradition locale, à la ligne contemporaine.
Dans la cuisine, des portes escamotables ont été intégrées, laissant la possibilité d’ouvrir et fermer la cuisine en fonction des occasions, pour des ambiances décontractées et chaleureuses autour de la cheminée, ou des dégustations plus formelles.
À l’étage, les vastes chambres se prêtent à l’écriture autant qu’au repos et à la méditation, devant une mer de vignes. On rêverait d’une telle maison de famille ! Les tons profonds et audacieux, d’ocre ou vert tendre, sont empruntés à la palette de la nature environnante. Le mobilier doux crée un univers rassurant. Les salles de bains, lumineuses, sobrement Art déco, apportent elles aussi cette sensation recherchée d’être simplement bien.