Les trois artistes réunis pour l’exposition collective Regards Contemporains réveillent le potentiel artistique de matières ordinaires en Afrique de l’Ouest, et interrogent la représentation des femmes noires dans leur diversité, à la croisée de l’art et de la mode. LouiSimone Guirandou Gallery a le plaisir de rassembler à Abidjan l’artiste pluridisciplinaire Laetitia Ky, la peintre Wanger Ayu et le sculpteur Marius Dansou. 

Cheveux, étoffes et fer à béton sont sublimés par les trois artistes, qui voient dans le traitement des fibres l’occasion de mettre à jour certaines traditions pour mieux les interroger. L’agilité de leurs doigts, doublée de leur regard curieux et acéré sur nos sociétés, ouvrent un dialogue à travers les époques et entre les cultures. 

A l’image d’un entrelacement de fils, le corpus d'œuvres présenté fait surgir les interconnections entre les communautés, les pratiques traditionnelles et leur interprétation contemporaine, et met en valeur un regard délibérément moderne et critique sur la représentation artistique des femmes noires. 

L’exposition collective Regards Contemporains est une invitation à s’interroger sur les impératifs et les traditions qui orientent nos attitudes et nos actions, à les appréhender en conscience. Le sens de l’observation de ces artistes leur permet de poser un regard critique sur le monde et de nous en proposer une certaine interprétation.

Pour mieux nous y sensibiliser, ils détournent les matériaux de leur traitement ordinaire et attisent notre curiosité. 

D’abord créatrice de mode, Wanger Ayu intègre aujourd’hui dans ses toiles des étoffes tissées à la main. Passionnée par les tissages traditionnels ouest africains, Wanger s’attache particulièrement au tissu Tiv A’nger, un tissu traditionnel nigérian que son grand-père, tisserand, confectionnait.

Elle en fait le support de ses portraits ou des éléments de sa composition. Les textiles fabriqués à la main se retrouvent chez la grande majorité des communautés d’Afrique de l’Ouest. Leurs motifs appartiennent à une ethnie ou un village, et le textile est un objet de fierté et un outil de reconnaissance. Wanger s’appuie sur le pouvoir fédérateur du tissu et souligne les liens qui unissent les membres d’une même communauté à l’instar d’un lacis de fibres. 

Les portraits de Wanger Ayu dialoguent avec le textile. Les personnages qu’elle représente sont pour elle le moyen de souligner la diversité des femmes noires, et leur force face aux impératifs sociaux qui les touchent tout particulièrement. Face à l’injonction faite aux femmes africaines de ne s’accomplir qu’à travers le mariage, Wanger Ayu répond par la représentation de femmes libres et modernes, épanouies dans la création d’idées. A travers ses portraits à l’expression souvent mélancolique et au regard perçant, c’est toute une génération qui défie les règles traditionnelles que l’artiste dépeint. 

Marius Dansou sculpte des coiffures fantaisistes à partir de fer à béton. Ce matériau pourtant rigide et dense, utilisé pour les fondations d’un bâtiment, devient aussi souple qu’un cheveu dans les mains de l’artiste. Bercé par les Ayônounda (tresses en langue Fongbé), l’aspect torsadé du fer à béton lui rappelle les nattes des femmes qui l’entourent. Impressionné par l’agilité des tresseuses, il s’approprie leurs mouvements et leurs techniques pour imaginer de nouvelles coiffures. 

Ses sculptures sont alimentées de multiples inspirations. Fasciné également par la riche histoire de la coiffure en Afrique de l’Ouest, Marius Dansou s’appuie notamment sur les célèbres photographies de J. D. Okhai Ojeikere. À ces techniques traditionnelles, s’ajoute une fine observation de la rue et des salons de coiffure, des tendances de mode à l’appropriation des formes d’objets du quotidien.

On reconnaît par exemple dans ses sculptures la forme des klui-klui, ces galettes d’arachides en torsade produites du Bénin au Nigéria. Se dressent donc dans l’espace diverses coiffures inventives aux lignes à la fois courbes et franches, que l’on imagine sans peine sculptées dans une véritable chevelure. 

Laetitia Ky sculpte ses cheveux en compositions audacieuses et engagées. C’est en découvrant l’histoire du cheveu crépu qu’elle se passionne pour les coiffures traditionnelles des femmes africaines de la période précoloniale. À leur esthétique spectaculaire et leur complexité technique, s’ajoute un pouvoir de communication non verbale, qui pouvait souligner l’appartenance ethnique, le statut marital ou le rang social.

Avec une aisance naturelle dans l’art du tressage, Laetitia Ky monte alors sur sa tête de véritables sculptures capillaires, à l’aide de ses propres cheveux, de fils de fer et d’extensions de laine. 

Chaque sculpture que porte Laetitia Ky véhicule elle-aussi un message particulier. Avec ses compositions figuratives et résolument contemporaines, elle magnifie les cheveux crépus et leur caractère identitaire. L'artiste met ainsi en valeur le potentiel des cheveux au naturel pour renforcer l’estime de soi des femmes noires et les invite à se détacher de normes de beauté ne valorisant que le cheveu lisse.

Ses œuvres portent également une dimension plus universelle, en brisant les tabous sur le corps féminin et en dénonçant les inégalités de genre. Laetitia Ky fait de ses cheveux le porte-voix de son militantisme et réactualise avec audace des codes de beauté délaissés. 

Simone Guirandou-N’Diaye, Historienne de l’art, fonde en 1991, la galerie Arts Pluriels. L’une des toutes premières galeries d’art Premier et Contemporain en Côte d’Ivoire, qui s’est affirmée par la diversité des artistes nationaux et internationaux, par la qualité de ses créations, par l’expérience accumulée et la passion que Simone Guirandou-N’Diaye sait si bien communiquer et transmettre, devenant ainsi au fil des années, un rendez-vous culturel incontournable à Abidjan. 

C’est en s’inscrivant dans la continuité que Simone Guirandou et sa fille Gazelle Guirandou inaugurent, le 10 décembre 2015, le nouvel espace LouiSimone Guirandou Gallery. Un nom pour matérialiser un trait d’union entre deux histoires, deux parcours, deux vies, deux prénoms. Louis, celui de son défunt époux, qui fut le premier à l’encourager et à la soutenir dans son projet, et Simone, le sien, unis à travers le ‘‘S‘‘. 

Un bel hommage pour symboliser cet espace moderne, attenant à la villa LouiSimone Guirandou, qui recouvre aujourd’hui la piscine et une partie du jardin. Ce lieu est une invitation adressée à une nouvelle génération de collectionneurs.

Toute exposition est une expérience stimulante et enrichissante, entraînée par l’excitation de la prise de risques et des choix artistiques. Il s’agit pour LouiSimone Guirandou Gallery, d’offrir à chaque fois une occasion rare d’interagir avec une nouvelle expression artistique, de rencontrer de nouvelles sensibilités, mais également de profiter du regard et des différentes perspectives d’un public cosmopolite. 

À travers une programmation avant-gardiste et éclectique d'œuvres d’artistes Ivoiriens et Internationaux, Émergents ou Confirmés, LouiSimone Guirandou Gallery continue ainsi à s’imposer comme une référence incontournable du paysage culturel Ivorien et Africain. 

https://www.louisimoneguirandou.gallery