
Pour une gouvernance mondiale des œuvres d’art et dépasser le dilemme des restitutions, il est urgent de réinventer une nouvelle forme de gouvernance culturelle.
Le débat sur la restitution des œuvres d’art, cristallisé par le rapport Sarr-Savoy en 2018, reste marqué par des positions extrêmes : d’un côté, la revendication de restitutions massives au nom des spoliations coloniales ; de l’autre, la défense rigide des collections occidentales comme trésors universels.
Face à cette impasse, il est urgent de réinventer une nouvelle forme de gouvernance culturelle, fondée sur le partage et la coopération internationale.
Le dilemme est complexe. D’un côté, la demande de restitution repose sur des arguments éthiques et historiques indéniables. Les objets d’art pillés ou acquis dans des conditions douteuses sont les témoins d’un passé de domination coloniale qui, pour beaucoup de pays, représente encore une plaie ouverte. Cela a conduit à la restitution, en 2020, de vingt-six objets d’art au Bénin et d’un sabre historique au Sénégal, première étape d’un mouvement plus large.
Mais, d’un autre côté, le maintien de certaines œuvres dans les grandes institutions occidentales a permis une mise en lumière de cultures souvent méconnues. Les musées occidentaux, comme le British Museum, à Londres, ou le Musée du quai Branly, à Paris, ont offert à ces objets une visibilité mondiale, permettant ainsi de tisser des liens entre les cultures et de sensibiliser des millions de visiteurs à l’héritage culturel des peuples colonisés.
Face à ce dilemme, faut-il choisir entre restituer toutes les œuvres ou les conserver au nom de l’universalité de l’art ? Nous croyons qu’une solution alternative existe : celle de musées devenant des ambassadeurs du patrimoine mondial.
Une gouvernance mondiale pour dépasser les tensions coloniales
Plutôt que de déplacer les objets, l’idée serait de mondialiser la gouvernance des musées qui les abritent. Sous l’égide d’organisations comme l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), une gestion internationale des œuvres d’art pourrait voir le jour, impliquant les pays d’origine dans les décisions concernant ces trésors culturels. Les musées deviendraient ainsi des ambassadeurs non plus d’un patrimoine national, mais d’un patrimoine mondial partagé par tous.
Cette idée n’est pas totalement nouvelle. Depuis 1972, la notion de « patrimoine mondial de l’humanité » a été consacrée par l’Unesco, qui gère un vaste réseau de biens culturels et naturels inscrits au Patrimoine mondial. L’enjeu, aujourd’hui, serait d’étendre cette gouvernance à des objets d’art conservés dans des collections publiques internationales.
Un héritage complexe et un débat ancien
Le débat sur les spoliations n’est pas nouveau. Dès l’Antiquité, les pillages de biens culturels étaient courants, des Wisigoths aux Romains en passant par Napoléon, qui s’appropria de nombreuses œuvres d’art lors de ses conquêtes. Plus récemment, l’ambition démesurée d’Adolf Hitler de créer un musée à sa botte fit de l’Europe un terrain de chasse aux œuvres d’art. Ce débat ne se limite donc pas aux seules spoliations coloniales, mais s’inscrit dans une longue histoire de transferts forcés de patrimoine.
Pourtant, toutes les revendications ne sont pas égales. Faut-il restituer chaque œuvre réclamée ? Quid des pays autrefois colonisés par l’Empire ottoman ou l’Empire chinois ? Une approche radicale de la restitution risquerait de fragmenter les collections mondiales et de limiter l’accès à des trésors universels qui appartiennent à l’humanité dans son ensemble.
Le danger est de réduire les musées à des vitrines nationales, où ne seraient exposées que des œuvres strictement locales, excluant toute vision d’universalité.
Des musées pour l’humanité entière
Face à ces questions complexes, il est possible de trouver une voie médiane. Les musées, au lieu de devenir des champs de bataille idéologiques, pourraient devenir des espaces de partage et de coopération internationale. Une gouvernance partagée permettrait de sanctuariser les collections, en reconnaissant leur importance culturelle pour les pays d’origine tout en les inscrivant dans un réseau mondial.
Les musées seraient ainsi dirigés par des équipes internationales, en collaboration avec les pays d’origine, et gérés comme un patrimoine commun. Ils pourraient prêter régulièrement des œuvres aux pays demandeurs pour des expositions temporaires, ou encore organiser des résidences artistiques, des programmes éducatifs et des échanges culturels autour de ces objets.
Cette approche permettrait de préserver l’intégrité des collections tout en répondant aux revendications légitimes de réappropriation culturelle. Ainsi, les musées seraient non plus des vitrines d’un passé colonial, mais des acteurs d’un dialogue global et d’un humanisme partagé.
L’urgence d’une nouvelle diplomatie culturelle
Dans un monde de plus en plus polarisé, il est impératif de bâtir des ponts plutôt que des murs. La restitution ne doit pas être vue comme un geste de réparation ponctuel, mais comme une opportunité d’inventer un nouveau modèle de coopération internationale. Les trésors culturels du monde entier doivent être protégés, partagés et célébrés non seulement pour leur valeur artistique, mais pour ce qu’ils représentent dans la construction d’une humanité unie dans sa diversité.
Les musées, en tant qu’ambassadeurs de ce patrimoine mondial, ont un rôle crucial à jouer. En adoptant ce modèle, nous pourrions enfin dépasser le dilemme des restitutions et construire une véritable diplomatie culturelle, axée sur l’unité et la solidarité.
L’heure est venue de repenser le rôle des musées et des institutions culturelles dans notre monde globalisé. En transformant ces lieux de conservation en acteurs d’un dialogue mondial, nous pourrons surmonter les divisions du passé et construire un avenir fondé sur le partage et la coopération.
Il est encore temps d’agir pour que ce patrimoine, qui appartient à toute l’humanité, continue à être une source de dialogue et d’inspiration pour les générations futures.
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