Pour sa première action de mécénat, la collectionneuse Sophie Javary a choisi une œuvre d’Agnès Thurnauer. En permettant l’installation des "Matrices/Chromatiques" au musée de l’Orangerie, pour dix ans, elle offre une visibilité à une femme artiste et, au public, une réflexion contemporaine sur le langage.
En pleine crise sanitaire et économique, vous venez de financer une importante pièce d’Agnès Thurnauer pour le musée de l’Orangerie. Quel déclic a fait, de la collectionneuse que vous étiez, une mécène ?
Sophie Javary : Le goût de l’art contemporain m’est venue, adolescente, lors de stages de poterie au chateau de Ratilly. Grâce aux époux Pierlot, qui organisaient des expositions dans ce château bourguignon du 13ème siècle, j’ai découvert Genevieve Asse, Viera da silva. Calder. Arpad Szenes.
Ainsi initiée, la vie m’a permis d’acheter des œuvres, avec mon mari Alain Bernard, et de nouer, avec certains artistes vivants, des relations amicales. Avec Agnès, nous parlons d’art, mais aussi de nos vies de femmes et de mères. Quand l’occasion s’est présentée de l’aider, en lui permettant de montrer son travail, nous l’avons fait.
Comment en êtes-vous venue à souhaiter compléter votre activité professionnelle, dans la banque, par un double engagement politique et culturel ?
Sophie Javary : Les deux engagements ne sont pas liés, sinon par mon souhait de m’engager dans la société. Ma candidature aux municipales à Paris, sur la liste de République en marche, prolonge une fidélité amicale née chez Rothschild avec mon collègue de l’époque... Emmanuel Macron.
Mon intervention dans le domaine culturel ressort d’une autre logique : les artistes vivants ont besoin du soutien de personnes qui apprécient leur travail, échangent avec eux sur l’évolution de leurs œuvres et les aident à trouver les bons circuits pour se faire connaître du plus grand nombre.
Quand le soutien public, évidemment essentiel, crée une dépendance, le mécénat privé préserve l’audace, et l’encourage.
Il existe autant de mécénat que de mécènes. Quels sont vos critères ?
Sophie Javary : Je ne conçois le mécénat que dans une relation directe, et dans la durée. La sérénité financière et morale des artistes doit leur permettre de se renouveler, précisément pour renouveler notre regard sur le monde, en s’adressant au plus grand nombre.
Quoique j’admire Matisse et que j’aime Monet, j’estime que la diffusion de leurs œuvres avec les deniers publics doit être complétée par un soutien privé aux artistes d’aujourd’hui. Lorsque cette médiation peut être abritée dans une institution qui rayonne dans le monde entier, par un musée mythique, conçu pour abriter une œuvre majeure, les Nymphéas, je touche à idéal !
Autrement dit, le développement du mécénat privé ne vise pas seulement à compenser la raréfaction de l’argent public. Selon vous, il démocratise une offre que l’action publique ne valorise pas assez...
Sophie Javary : Une mécène, n’ayant de comptes à rendre qu’à elle-même, se doit d’apporter une singularité, une diversité et une agilité. Dans une logique de contre-pouvoir, ou d’aiguillon, lorsque les institutions publiques engluées par la nécessité du saupoudrage se privent parfois de vision.
Pour ma part, en choisissant les Matrices/Chromatiques d’Agnès Thurnauer, je ne cherche aucun équilibre. J’exprime un choix : en regard des Nymphéas, j’offre au public une œuvre qui représente la fonction du langage, ainsi que ses limites, en trois dimensions.
Par ce soutien à une femme artiste, qui plus est, je m’inscris dans une logique de parité, cet équilibre homme-femme qui fait l’objet d’un rattrapage tardif et lent par la puissance publique, après deux siècles d’occultation des créatrices.
PEINTRE, ECRIVAIN, PRIX GONCOURT
« C’est la même main qui écrit et qui peint : l’une trace la mémoire, l’autre la lumière. »
Peintre depuis toujours, écrivain couronné du prix Goncourt, Tahar Ben Jelloun explore depuis des décennies les territoires de l’émotion et de la mémoire. Entre mots et couleurs, son exposition au Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain à Rabat a révélé au grand public l’unité profonde de cette double pratique.
L’exposition au Musée Mohammed VI à Rabat a révélé au public combien vos mots et vos couleurs dialoguent. En quoi cette mise en regard a-t-elle, selon vous, éclairé votre imaginaire de manière singulière ?
Tahar Ben Jelloun : L'exposition au Musée Mohammed VI d'art contemporain et moderne a été pour moi une consécration, une sorte de légitimité dont l'écrivain avait besoin pour exercer son nouveau mode de création.
Lire la suite >>>DIRECTRICE DE LA 46 ST-PAUL GALLERY
« Saint-Paul-de-Vence est une destination incontournable de l’art contemporain. »
À la tête de la galerie 46 St-Paul, Annabelle Audren incarne une nouvelle génération de galeristes pour qui la Côte d’Azur, plus qu’un décor, est un territoire d’expérimentation curatoriale. Elle défend une approche ouverte et exigeante, mêlant artistes émergents et confirmés, art et design, ancrage local et rayonnement international.
Avant d’ouvrir la galerie 46 St-Paul, vous avez dirigé la Fondation CAB. En quoi cette expérience, à la croisée de l’institution et du lieu privé, a-t-elle influencé votre vision du rôle d’une galerie aujourd’hui ?
Annabelle Audren : Cette expérience m’a offert plusieurs perspectives que je m’efforce de perpétuer aujourd’hui au sein de la galerie. Tout d’abord, l’importance de favoriser un dialogue entre artistes émergents et établis.
Lire la suite >>>DIRECTRICE DU MUSÉE D’ART MODERNE DE FONTEVRAUD
« Un lieu millénaire plus une collection moderne, font un musée singulier »
© CHRISTOPHE MARTIN
Au cœur de l’Abbaye royale de Fontevraud, l’une des plus vastes d’Europe, un musée d’art moderne est né. Porté par la collection Cligman, il propose un dialogue inédit entre patrimoine millénaire et créations modernes. Dominique Gagneux, sa directrice, défend un projet exigeant et ouvert : faire résonner la mémoire des pierres avec la vitalité de l’art moderne et contemporain.
Qu’est-ce qui fait, selon vous, la singularité du musée d’Art moderne de Fontevraud dans le paysage culturel français ?
Dominique Gagneux : Ce qui fait d’abord la singularité du musée, c’est sa localisation au cœur de l’Abbaye royale de Fontevraud. On n’a pas d’équivalent, à ma connaissance, d’un musée créé ex nihilo à partir d’une collection privée, sans lien historique ni affectif avec le site, et installé dans un monument d’une telle ...
Lire la suite >>>PRESIDENTE DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DES RENCONTRES D’ARLES
« La photographie nous aide à comprendre et à faire évoluer le monde »
À Arles, la photographie n’est pas qu’un festival : c’est un langage commun, un moteur de création et un lien vivant avec un territoire. Dans cet entretien, Françoise de Panafieu revient sur l’ambition internationale, l’ancrage local, les mutations de l’image et l’audace nécessaire pour demain.
En quoi les Rencontres d’Arles incarnent-t-elles à la fois une ambition culturelle internationale et une aspiration profondément ancrée dans le territoire arlésien ?
François de Panafieu : Les Rencontres d’Arles possèdent une singularité rare : elles sont à la fois un événement d’envergure mondiale et une manifestation profondément enracinée dans leur territoire d’origine. C’est un équilibre délicat, mais qui fait toute leur force.
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Restitution des œuvres d’art : « Il est urgent de réinventer une nouvelle forme de gouvernance culturelle »
Par FRANÇOIS BLANC
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"Bien communiquer est un art à forte valeur ajoutée"
Par FRANÇOIS BLANC
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