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HORTENSE BELHÔTE, SUR ARTE "La sexualité est un moteur pour apprendre"
Arts
Daniel Bernard | 15.03.2021 | 12:55


Daniel Bernard
Journaliste
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Avec sa mini-série « Merci de ne pas toucher », Arte sexualise les chefs d’œuvres de la peinture classique. Auteure et animatrice de ces programmes courts, la trentenaire Hortense Belhôte éveille le désir de Michel-Ange, Manet et Courbet pour faire avancer la cause des femmes, les droits des homosexuels et la connaissance des arts.

 

Un discours académique contrastant avec des images évoquant le sexe et l’homosexualité version queer, dans un format court, comment vous est venue l’idée de cette forme nouvelle pour un cours d’histoire de l’art ?

Hortense Belhôte : L’idée de la série est venue de mon parcours : j’ai étudié l’histoire de l’art à l’université en même temps que l’art dramatique dans un conservatoire, puis j’ai mené en parallèle une activité de prof et une activité de comédienne.

C’est la réunion de ces deux pratiques qui a créé le concept. C’est ce qui permet à la série de jouer sur des couples d’opposés et d’y être plutôt à l’aise : le passé et le présent, l’œuvre et le quotidien, le discours académique et la dimension érotique, la peinture et la vidéo…

Les côtés queer ou féministe qui se dégagent des analyses, viennent juste du fait que c’est mon désir et ma subjectivité que je mets en scène, et que je suis une femme homosexuelle.

Ensuite toute l’équipe de tournage a alimenté cette esthétique, chacun avec son propre désir, mais on était effectivement assez d’accord là-dessus, homogènes disons…

 

Cette désacralisation, si on compare vos films courts avec les émissions de Daniel Arrasse par exemple, ou encore avec Palettes dans les années 80, vise-t-elle à éduquer autant qu’à divertir ?

Hortense Belhôte : La désacralisation ou la vulgarisation de l’histoire de l’art est un sujet qui me touche particulièrement et je suis heureuse des comparaisons que vous proposez car ce sont deux approches que je trouve brillantes et justes, chacune dans son époque et pour des raisons différentes.

Palettes dans les années 80 débutait chaque épisode par une longue description du tableau, qui pouvait aller jusqu’à des détails infimes, le tout sur un rythme lent. Ces images qui balayaient la toile finissaient par recréer en vidéo le temps du regard et l’expérience sensible et physique du spectateur face à l’œuvre.

L’image ne quittait quasiment jamais le tableau, la voix était en off et nous accompagnait, mettant parfois en scène des dialogues de comédiens qui activaient notre imaginaire en nous replongeant dans tel ou tel moment historique sans toutefois nous faire perdre l’œuvre de vue. J’aime beaucoup cette manière d’aborder le tableau, extrêmement sensitive et tournée vers le spectateur. C’est proche de ce qu’on essaye de faire aujourd’hui avec de la VR [réalité virtuelle, NDLR]. C’est juste un peu « low fi » [vieux jeu, NDLR] et trop lent pour le public d’aujourd’hui mais à l’époque ça marchait.

Daniel Arasse dans les années 90 c’est un peu l’inverse, il faisait des émissions de radio, donc sans image ! Le cœur de son objet étaient les mots. Il proposait une dimension critique, une archéologie culturelle. Son sujet, ce n’était pas un tableau mais une problématique du regard, autour de laquelle il articulait plusieurs œuvres. C’est à notre esprit qu’il s’adressait, avec une vitesse et une virtuosité parfois difficile à suivre. Il a réussi à amener ça dans la culture populaire parce que c’est un très bon orateur, un pédagogue, un monsieur sympathique et qu’en l’écoutant on ne se sentait pas stupide, même si on sait qu’il y a des trucs qui nous échappent.

Bon, j’aime les deux moi ! Et je crois que ce qu’on a essayé de faire avec Cecilia de Arce, la réalisatrice, c’est de ne renoncer à aucune des deux approches. Le texte que je dis est de la famille du discours critique et articulé qui parle aux neurones et à la déconstruction. Et en même temps l’image, par la mise en jeu des corps, des espaces et des lumières, prend en charge le sensible, l’intime, l’indicible, l’association libre des images mentales pour celui qui regarde.

Je crois qu’aujourd’hui c’est ce genre de forme qui parle au public. Parce qu’entre temps il y a eu le packaging format court bien marketé à la D’Art d’Art des années 2000, puis la saturation visuelle et sonore des réseaux sociaux qui, depuis dix ans, habitue nos cerveaux aux flux simultanés.

 

Selon vous la sexualité fait-elle particulièrement bon ménage avec l’art ou pourrait-elle avoir la même efficacité pédagogique avec les sciences, l’économie ou l’histoire ?

Hortense Belhôte : Je suis persuadée qu’elle s’entend avec tout le monde, et particulièrement avec l’épistémologie ! La sexualité c’est une question de désir, de curiosité, et donc de connaissance. Il faut avoir envie pour apprendre ou pour chercher.

Du côté des web séries, les Green porno d’Isabella Rossellini sont de très bons cours de biologie. Quant à l’histoire, l’économie ou la sociologie, ce sont des « sciences humaines » et il est tout à fait possible d’envisager une explication du monde du point de vue de « ce qui le fait tourner ».

La sexualité c’est plus qu’un prisme, c’est un moteur. Mais je pense exactement la même chose du rire.

 

A votre connaissance, cette série diffusée sur une chaine publique a-t-elle suscité des réactions négatives ? Si ce n’est pas le cas, cette acceptation est-elle à vos yeux le signe d’une maturité de la société française ?

Hortense Belhôte : C’est amusant de parler de « maturité » de la société française sur les questions de genre et de sexualités. Effectivement des choses ont bougé ces dernières années, il y a eu beaucoup de luttes et donc de débats, mais tout ça n’est pas loin. Des hostilités réactionnaires il y en a chaque jour de très violentes et de très peu « adultes ».

Pour ce qui est des réactions négatives directement liées à la série, à ma connaissance il n’y en a pas encore, et parfois je me dis que c’est louche. J’ai repensé à la réflexion que certains milieux afro militants s’étaient fait à la sortie de « Tout simplement noir », à savoir : comment est-ce que ça peut à ce point plaire à tout le monde alors qu’il y a quand même un vrai problème sociétal ? C’est l’éternelle problématique des trucs grand public et de la pédagogie douce... Mais ok, pour l’instant, si ça passe c’est cool !

Les limites de la réception sont aussi les limites de l’audience de cette « chaine publique » justement. La série a l’avantage, il me semble, d’être inter-générationnelle, mais je doute qu’elle fasse le buz à moins de la faire diffuser par l’Education nationale, ce qui est peut-être mon seul désir…

 

Envisagez-vous de proposer de décliner le principe de cette série pour des expositions à venir ?

Hortense Belhôte : Oh, pour des expositions, en musée vous voulez dire ? Je n’y avais jamais pensé mais l’idée est belle. Il faudrait voir ça avec des conservateurs et des commissaires d’exposition.

Moi je n’ai qu’un humble bac +5 et le commissariat d’exposition est une chasse assez bien gardée, mais j’ai de brillants copains de fac qui y penseront peut-être !

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Cettre tribune est parue dans Le Monde le 28 septembre 2024.


FRANÇOIS BLANC
Fondateur de Communic'Art
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Le débat sur la restitution des œuvres d’art, cristallisé par le rapport Sarr-Savoy en 2018, reste marqué par des positions extrêmes : d’un côté, la revendication de restitutions massives au nom des spoliations coloniales ; de l’autre, la défense rigide des collections occidentales comme trésors universels. Face à cette impasse, il est urgent de réinventer une nouvelle forme de gouvernance culturelle, fondée sur le partage et la coopération internationale.

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