Conseil de nombre d’institutions publiques et acteurs du marché de l’art, le fondateur de l’agence Communic’Art explique les ressorts de la communication de crise dans le contexte de l’affaire Lévêque.
Interview parue dans le Journal des Arts n° 560 du 05.02.21
Propos recueillis par Jean-Christophe Castelain
http://www.lejournaldesarts.fr
Quelle est la situation des institutions à l’égard des œuvres de Claude Lévêque qu’elles possèdent ou montrent ?
Sitôt parues les révélations du Monde, plusieurs journalistes se sont tournés vers les institutions qui détiennent des œuvres de Claude Lévêque en posant la question : qu’en est-il du devenir de ces œuvres ?
Pour les institutions qui ont un rôle de conservation sur le temps long, ces œuvres font partie de l’histoire qui est aujourd’hui révélée et de l’histoire de l’art en général.
A ce titre, ce sont des preuves et des documents que l’on doit conserver et laisser libre d’accès, notamment pour les chercheurs. En l’absence de décision judiciaire, au cas où des institutions voudraient les exposer, elles le feraient sous leur propre responsabilité.
Quand une institution est sollicitée par les médias sur les conditions d’achat ou de présentation de ces œuvres, que devrait-elle faire ?
Il lui faut anticiper les questions de manière à formuler le plus clairement possible les réponses. Rien n’est plus risqué, même pour une institution qui fait son métier de manière irréprochable, que de sembler prise au dépourvu et de répondre sous pression.
Quels sont de manière générale les grands principes de la communication de crise ?
Ils sont très simples, encore faut-il bien les mettre en œuvre. En l’espèce il faut agir vite, et expliquer la position de l’établissement en s’appuyant sur son histoire, sa vocation fondamentale et ses procédures, tout cela dans la plus grande transparence.
De façon générale, il faut prendre la parole le plus tôt possible, pour éviter de laisser le terrain aux rumeurs et spéculations qu’il est toujours plus difficile de démentir a posteriori. La pire des attitudes est de rester silencieux. Plus on donne tôt sa vérité, mieux on coupe l’herbe sous le pied des détracteurs.
Agir vite, pour ne pas être pris au dépourvu, c’est la règle de base.
Qui doit parler ? L’agence ou son client ?
Je répondrai de façon générale. Quand une institution, une entreprise, une personne est dans la tourmente, la prise de parole doit être très maîtrisée. Il est essentiel de commencer par exprimer de l’empathie, de la compassion à l’égard des victimes, si victime il y a.
Il faut ensuite expliquer sa position avec le plus de preuves possibles sans rien chercher à dissimuler. En fonction du degré d’implication de l’entreprise ou de la personne dans l’affaire, il convient de prendre clairement ses responsabilités, de s’excuser s’il y a lieu et d’indiquer les mesures de réparation ou de dialogue envisagées ou bien de démentir fermement, mais preuves indiscutables à l’appui.
Enfin, si l’entreprise ou la personne fait l’objet d’une campagne de dénigrement, il faut rappeler le respect de la présomption d’innocence et appeler à s’en remettre à la justice seule à même de dire le droit. Que ce soit l’agence ou le client qui l’exprime, c’est la pertinence du discours qui importe.
Le rappel à la loi est un peu ce qu’a fait Claude Lévêque par l’intermédiaire de son avocat en déclarant qu’il avait porté plainte contre X tout en rappelant la responsabilité des journalistes. Est-ce une bonne façon de faire ?
Ce qui procède d’une intimidation n’a pas été suffisante pour étouffer l’affaire. Lorsque l’avocat de Claude Lévêque prend la parole, il évoque une procédure pénale ancienne afin d’affaiblir un témoignage nouveau.
Le rythme de la presse n’est pas celui-là. Mais en l’espèce c’est l’avocat qui prend la parole et qui, très professionnellement, agit sur le registre de la procédure judiciaire. Il évite de rentrer dans une défense qui consisterait, en terme « d’image » et de contre-feu à arguer de la différence à faire entre l’homme et l’œuvre.
Quand une institution comme cela a été le cas, expose des photos de Larry Clark avec des adolescents, drogués, dans des scènes sexuelles et que le musée est mis en cause pour atteinte à la dignité des adolescents, que faire ?
Un musée est responsable de ce qu’il montre. Un musée montre des œuvres d’artistes qui sont parfois à la marge de ce qui est à un moment acceptable, et à un autre discutable par ceux qui peuvent y être confrontés. Le regard et l’appréciation sur une œuvre peuvent changer dans le temps en fonction de la psychologie, de l’état de la société, des débats en cours, de la prégnance religieuse, d’un groupe d’individus ou d’un ordre moral…
Certaines personnes peuvent affirmer être choquées et demander une interdiction d’exposition. Savoir le moment exact où cela s’opère est toujours délicat mais lorsqu’une opposition se manifeste, il est important de rappeler que chacun est libre de voir ou ne pas voir et de critiquer. La seule limite est la limite légale. Si cela est répréhensible par la loi, elle doit alors faire l’objet de recours encadrés par le droit d’accusation et de défense.
C’est tout cela qui va guider le conseil pour poser la communication dans des termes qui permettent l’apaisement et de tirer en conscience les leçons nécessaires à la société.
Et que penser du communiqué de presse de la galerie kamel mennour qui représente l’artiste ?
Le communiqué de presse a été envoyé 36 heures après la publication de l’article du Monde. Ce communiqué de quelques lignes marque une extrême distance vis-à-vis de l’affaire, ne prend pas en compte le drame des personnes indiquées comme victimes. Il laisse à l’artiste la responsabilité de suspendre la collaboration avec la galerie.
Rien n’est dit sur la connaissance ou non des agissements qui sont reprochés à Lévêque alors que la galerie travaille avec l’artiste depuis très longtemps. Ce faisant Kamel Mennour laisse les collaborateurs de la galerie sans arguments pour répondre aux sollicitations extérieures.
Autre situation de crise : les reports ou annulations de foires. Quels conseils de communication donner aux organisateurs ?
Art Paris s’est trouvée dans une situation critique jusqu’à ce que sa direction, sous l’impulsion de son directeur artistique Guillaume Piens, en lien avec ses galeries clientes, réussisse en septembre une édition saluée par tous et enchaîne sur la préparation de l’édition d’avril 21. Un exemple de crise surmontée et bien gérée sur le plan de la communication.
Mon conseil est d’être le plus proche possible de ses clients, de leurs préoccupations et difficultés, de partager avec eux les solutions. La FIAC a estimé qu’elle pouvait annoncer une annulation hors délais convenable. A mon sens elle n’a pas bien senti le changement d’époque qui rend son absence de communication périlleuse. Il vaut mieux intégrer en amont les conséquences de ses actes et la façon de prévenir d’éventuelles polémiques.
Comme dans le domaine médical, la prévention est toujours plus efficace que le Samu. Planter une œuvre de Paul McCarthy qui ressemble à un plug anal, comme l’ont fait les organisateurs en 2014 sur la place Vendôme, sans avoir réfléchi avant à la médiation ou à la communication, c’est ne pas comprendre la force de l’art et les réactions qu’une telle œuvre peut susciter.
En définitive le premier des conseils à donner c’est d’anticiper.
Interview parue dans le Journal des Arts n° 560 du 5 février 2021
Propos recueillis par Jean-Christophe Castelain
http://www.lejournaldesarts.fr
Olivier Marian, co-fondateur d'Arteïa
Olivier Marian, CSO et co-fondateur d’Arteïa, la puissante plate-forme de catalogage de collections d’art commercialisée depuis septembre 2018, décrit pour le blog Art 360 by Communic’Art les fonctionnalités qui font sa différence. Il revient également sur la question de la nécessaire communication à mettre en œuvre au-delà du « bouche à oreille » traditionnel du secteur.
CSO et co-fondateur d’Arteïa, vous avez une double expérience d’ingénieur en informatique et de collectionneur, bien utile en l’espèce ?
Olivier Marian : En effet, je suis ingénieur en informatique, entrepreneur et investisseur, mais aussi collectionneur.
Mes parents sont de grands collectionneurs d’art, et ne trouvant pas d’outil satisfaisant sur le marché, j’avais créé ma propre base de données pour gérer cette collection familiale.
J’ai ensuite rencontré en 2016 des ...
Lire la suite >>>Hector Obalk, historien de l'art, critique d'art et réalisateur français.
Créateur de Grand Art sur Arte, d’albums didactiques sur Michel Ange, et de nombreuses critiques dans nombre de magazines grand public Hector Obalk, médiateur exceptionnel, est un touche à tout qui ne se disperse pas.
Éclectique dans la forme, il a l’art et la manière de surprendre , poursuivant un but unique : partager son amour pour les créateurs de génie et leurs œuvres. A l’attention de tous les médiateurs, il dresse pour Art 360 by Communic’Art un bilan de ses expériences pédagogiques. Et annonce son prochain spectacle.
Vous avez une expérience de quarante années de pédagogie, appliquée à l’art, et déclinée en films, en livres, en BD, en one man shows. Selon vous, l’augmentation de la fréquentation des musées et des expositions va-t-elle de pair avec une volonté d’en savoir toujours plus sur les artistes et sur les œuvres ...
Lire la suite >>>Julie Arnoux, déléguée générale de la société des amis du Musée du Quai Branly durant 14 ans
Depuis trois ans, le musée du Quai Branly - Jacques Chirac présente ses expositions en Afrique, en utilisant un système de web-visite. Un véritable rendez-vous avec l'objet, en direct.
Le but assumé : élargir le spectre des donateurs aux pays d’origine des collections. Julie Arnoux, à l’origine de cette médiation originale, a été déléguée générale de la société des amis durant 14 ans. Elle dresse pour Art 360 by Communic’Art le bilan de cette expérience originale.
Fin 2014 est née l’idée de la web-visite au musée du quai Branly – Jacques Chirac. Quelles ont été les éventuelles difficultés pour la concrétiser et pour la faire connaitre ?
Lire la suite >>>Anne Chepeau, Radio France / © Christophe Abramowitz
Depuis près de 30 ans, Anne Chepeau est à l’antenne de France info. Férue de culture, elle tente de concilier ses goûts personnels avec la mission de service publique d’une radio qui touche 4,5 millions d’auditeurs. S’il lui arrive de garder pour elle certains de ses coups de cœur, notamment dans le domaine de l’art contemporain, c’est que le travail de médiation est souvent négligé par les communicants.
Au sein de la rédaction d’une grande radio, vous avez la responsabilité de rendre compte d’événements qui se donnent à voir. Est-ce une sinécure ou une punition ?
Lire la suite >>>Par FRANÇOIS BLANC
Toutes ses contributions >>>
Par RAPHAËL TURCAT
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