
© Bienalsur
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Depuis dix ans, vous réinventez, avec BIENALSUR, le modèle traditionnel de la biennale d’art contemporain. Première biennale véritablement transnationale au monde, elle rassemble aujourd’hui les œuvres de plus de 400 artistes, répartis dans 78 villes et 34 pays. Fidèle à son engagement en faveur d’un humanisme contemporain, BIENALSUR ne demande pas au public de venir à elle : c’est BIENALSUR qui va à la rencontre du public.
BIENALSUR a été lancée il y a dix ans depuis une université publique argentine, l’UNTREF. Quelles étaient vos motivations initiales à travers cette biennale hors du commun ?
Pour faire court, nous avons déconstruit le format classique de la biennale, caractérisé par un événement concentré dans une ville (Venise, São Paulo, Primus inter pares), dirigé par un commissaire ou une équipe curatoriale définissant le thème général.
À l’opposé de ce modèle, BIENALSUR propose un dialogue constant avec différents acteurs du monde de l’art : artistes, commissaires, institutions, communautés… Dès sa première édition, elle a lancé un appel international à projets ouvert à tous. Cet appel ouvert est essentiel, car c’est à partir de celui-ci, libre et sans restriction, que naissent les grands thèmes et les axes curatoriaux de chaque édition, ainsi que les projets retenus pour composer les différentes expositions et actions.
Ce projet continu qu’est BIENALSUR est né d'un dialogue entre Aníbal Jozami, avec son approche issue de la sociologie des relations internationales, et moi-même, avec ma perspective relevant de l'histoire de l'art, du commissariat et des études culturelles. Ce dialogue s'est centré sur une réflexion concernant la relation entre les événements du « circuit international de l'art » (principalement les biennales et les foires) et le public.
BIENALSUR vise également à se décentraliser géographiquement pour construire une cartographie transnationale. En 2017, nous avons démarré avec 16 pays, aujourd’hui nous en comptons déjà 34.
En résumé, le dialogue continu, le travail « sur mesure » adapté à chaque lieu, chaque espace, aux besoins spécifiques de chaque communauté en collaboration avec les institutions locales, ainsi que la recherche constante de diversité, d’inclusion et d’accès constituent les clés de notre démarche.
Nous croyons que cette perspective plurielle et polyphonique participe à la construction d’un humanisme contemporain.
Le modèle transnational et décentralisé de BIENALSUR est souvent présenté comme une réponse aux circuits traditionnels de l’art contemporain, dominés par les grandes capitales culturelles. Selon vous, en quoi cette approche constitue-t-elle une alternative crédible et durable ?
Nous pensons que la « culture de la mondialisation » a montré ses limites. Son approche uniformisante a cherché à effacer la richesse des différences, ou du moins c'était son intention initiale.
À partir du droit à la culture et à la diversité, nous croyons nécessaire de revendiquer les différences culturelles et d'apprendre à dialoguer avec elles, à les habiter et à découvrir leurs nuances, leurs richesses et leurs singularités. C'est pourquoi ce modèle décentralisé, polyphonique et situé nous semble pertinent pour un développement réellement transnational.
Traverser ces frontières ne signifie pas les effacer, mais plutôt les reconnaître et agir en leur sein. Cela ouvre des perspectives nouvelles, des échanges de savoirs, de nouvelles questions, et finalement une expérience différente de la vie contemporaine, enrichie par des conceptions et visions culturelles diverses.
BIENALSUR se distingue par une vision résolument humaniste, à la croisée de l’art, de la pensée critique et des défis sociaux contemporains. Comment parvenez-vous à maintenir ce subtil équilibre entre esthétique, engagement politique et accessibilité universelle ?
Il s’agit clairement d’un « équilibre délicat ». Cependant, nous pouvons affirmer qu’il se construit concrètement sur le terrain. D’une part, grâce à l’appel ouvert, nous explorons les grands thèmes abordés par les artistes et commissaires venus d’horizons culturels différents.
Nous échangeons avec chaque espace (musée, centre culturel, lieu communautaire…) sur ses objectifs, sa programmation et ses aspirations. À partir de ces coordonnées, nous travaillons par observation, écoute et échange jusqu’à définir ensemble le programme à mettre en place.
Vous parlez souvent de votre volonté de « rendre l'art accessible à tous » et d’« émanciper plutôt que simplement exposer ». Concrètement, comment BIENALSUR parvient-elle à toucher efficacement des publics éloignés de la culture ou peu familiers avec l’art contemporain ?
Depuis dix ans, BIENALSUR explore une grande variété de contextes. Nous écoutons attentivement et mettons en avant l’unicité de chaque situation. Par exemple, en 2016, nous avons retenu le projet « Juntos Aparte » proposé pour la ville de Cúcuta, à la frontière colombo-vénézuélienne, zone complexe et sensible.
Ce projet, toujours en cours, accompagne et aide à penser cette frontière complexe. Les actions artistiques et communautaires organisées dans ce cadre contribuent à traiter le traumatisme migratoire, à redéfinir le quotidien de Cúcuta (en Colombie) et San Miguel de Táchira (au Venezuela), ainsi que les échanges quotidiens entre les deux villes.
Comme dans d'autres contextes (les communautés autochtones Quilmes Calchaquíes en Argentine, Dili au Timor oriental, Madagascar...), l'art contemporain devient un espace d’exploration partagée par les artistes et les communautés, une expérience commune, un canal de réflexion et de dialogue.
Dix ans après sa création, quels grands impacts attribuez-vous à BIENALSUR sur les artistes, les institutions culturelles et les territoires ? Quels sont les principaux défis que vous souhaitez encore relever à l’avenir ?
Nous croyons que les dynamiques de durabilité – au sens large – que nous promouvons contribuent à créer de nouvelles dynamiques créatives, tant en matière de production que de relations socio-culturelles. Nous privilégions la mobilité des artistes et commissaires plutôt que celle des œuvres, favorisant ainsi les échanges interpersonnels et les rencontres.
À Dakar, par exemple, nous avons mis en place un projet réunissant des artistes locaux et internationaux autour d'enjeux locaux urgents, comme la pollution urbaine. Ces initiatives, parmi d'autres, activent des échanges et sensibilisent à des problématiques spécifiques dans chaque environnement socio-culturel.
Comment envisagez-vous le rôle de BIENALSUR dans le contexte actuel de la mondialisation culturelle, marqué par les tensions géopolitiques et les crises sociales ?
Nous traversons une crise civilisationnelle qui remet en question nos certitudes. Aujourd’hui plus que jamais, nous pensons que la culture est le lieu privilégié pour mettre en lumière des problématiques normalisées, ouvrir des espaces de réflexion et contribuer à une pensée critique et créative.
C’est une façon de renouer avec des dimensions plus humaines, solidaires, empiriques et diversifiées.
En tant que pionnière d'un modèle transnational nouveau, quels conseils donneriez-vous aux institutions culturelles souhaitant renouveler leur relation au public et inventer de nouvelles formes de médiation artistique ?
La flexibilité, l’adaptation et la créativité face à chaque contexte permettent non seulement de repenser les dynamiques institutionnelles, mais également de redéfinir la relation avec les publics et les communautés concernées.
Nous continuons à œuvrer dans ce sens, car la réalité évolue constamment et exige une réponse créative, à la fois réfléchie et novatrice.
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"Le journaliste se situe davantage dans la distance ; il analyse, met en perspective, son écriture est plus froide. Mon rôle est d'orchestrer ces deux approches au sein du magazine, de trouver le bon équilibre entre la critique d'art et l'information."Fabien Simode, Rédacteur en chef du magazine L'Œil
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