AU TEMPS DU CORONAVIRUS, COMMUNIC'ART DONNE LA PAROLE À SES CLIENTS.
En cette période de confinement, quelles sont les actions que vous menez pour l’édition 2020 du salon Galeristes ?
Stéphane Corréard : J’ai créé le salon Galeristes pour répondre aux difficultés récurrentes auxquelles sont confrontées les galeries « artisanales » pour rencontrer de nouveaux collectionneurs, et les fidéliser. Inutile de dire que ces difficultés sont et seront démultipliées par la crise qui a commencé ! Notre mission est donc plus importante que jamais.
Comment imaginer la poursuivre dans cette période folle, inédite ? C’est tout le paradoxe qui m’a, dans un premier temps, paru presque insurmontable. Et pourtant, la réponse s’est imposée naturellement à moi. Je suis depuis toujours collectionneur. Or, je me suis rendu compte, depuis le début du confinement, que cette passion ne m’avait pas quitté. Malgré les obstacles évidents, malgré les angoisses, naturelles, j’ai quand même acquis trois ou quatre œuvres pour ma collection personnelle au cours du dernier mois. Ce qui est vrai pour moi doit être vrai pour tous les collectionneurs passionnés.
L’histoire a montré que, malgré les crises, les collectionneurs sont toujours là. Certains opportunistes ou spéculateurs se détournent, mais les passionnés, eux, ne peuvent vivre sans s’enthousiasmer pour de nouvelles œuvres. C’est le message que j’ai envoyé à tous nos exposants, à toute la communauté qui se reconnaît dans l’engagement porté par Galeristes depuis 5 ans.
J’ai aussi tenu à les rassurer : j’ai moi-même une expérience de galeriste. Je l’ai été une première fois entre 1992 et 2000, à une époque où le marché était particulièrement atone. Et je le suis, un peu, de nouveau depuis un an, à travers la Galerie Loeve&Co, dont j’assure la direction artistique avec Hervé Loevenbruck. Je connais les inquiétudes des galeristes. Mieux : je les partage ! J’ai créé Galeristes pour les aider, pas pour les mettre en difficulté. Toute mon énergie tend actuellement vers cela : comment poursuivre notre mission sans les mettre en danger ?
En quoi est-ce important pour vous de maintenir le lien avec vos galeries, vos publics et vos collectionneurs ?
SC : Tous ceux qui ont exposé à Galeristes, ou qui ont visité le salon, savent qu’y règne une vraie convivialité, une complicité même. Cette proximité ne vit pas qu’une semaine, elle court tout au long de l’année, par nos échanges, notamment via les réseaux sociaux, où je m’exprime très régulièrement. D’ailleurs, beaucoup de mes amis me disent en ce moment : je ne m’inquiète pas pour toi, j’ai vu que tu avais posté un tweet ce matin ! Il est important, surtout en ce moment, de prendre des nouvelles les uns des autres, de prendre soin de nous réciproquement, de nous entraider et, surtout, d’élaborer une stratégie pour la sortie de crise.
Le confinement nous étouffe. Nous n’en voyons pas la fin. Pourtant, cette crise sanitaire finira par se calmer, et la vie reprendra ses droits. Où en serons-nous à ce moment-là ? Comment redémarrerons-nous ? Bien sûr, tout ne changera pas du jour au lendemain, mais cette crise aura semé des graines qui finiront par transformer le paysage dans lequel nous vivons, y compris pour le monde de la culture.
Je crois profondément que les intuitions qui ont conduit à la création de Galeristes sont confortées par cette période particulière. Le choix d’un renforcement des liens de proximité, la mise en valeur de la richesse de notre scène locale, notre triptyque de valeurs, sans cesse réaffirmées, « accessibilité, diversité, convivialité »…, comment ne pas penser que tout cela ne résonne pas fortement avec la situation actuelle ? Sans compter que, grâce à Dominique Perrault Architecture, nous sommes sans doute la seule foire dans le monde à avoir une scénographie 0 déchet, réutilisée à 100 % d’une année sur l’autre.
Comment considérez-vous le rôle de la culture et de l’art dans ce contexte de crise sanitaire ?
SC : Dans cette période, l’art apparaît profondément pour ce qu’il est : un luxe absolument vital. Un luxe, parce que notre énergie est naturellement mobilisée par des questions beaucoup plus essentielles, comme notre santé et celle de nos proches, la cohésion de nos communautés, le bien-être à court terme de ceux qui nous sont chers, mais aussi la survie de nos entreprises, de nos métiers.
Nos références culturelles demeurent vitales. Ce sont elles qui nous rassemblent, que nous échangeons avec nos proches et même avec certains moins proches, sur les réseaux sociaux par exemple. Ce sont les artistes qui nous éclairent le mieux sur nos sentiments, qui mettent des mots et des images sur la confusion que nous ressentons. Pour ceux qui ont la chance de vivre avec des œuvres d’art, il est évident qu’elles constituent dans nos intérieurs plus que des fenêtres, de véritables oasis de beauté, de poésie et de pensée, d’une richesse infinie.
J’ai toujours défendu la démocratisation de la collection, en insistant sur le fait que la relation quotidienne à l’œuvre, dans l’espace intime, me paraissait la plus riche, la plus féconde. Aujourd’hui confiné, je le vis dans ma chair !
Quelles leçons tirez-vous de cette expérience inédite et quel impact aura-t-elle selon vous, dans le secteur des foires ?
SC : Cette expérience nous conduit à réévaluer toutes nos habitudes, à remettre en question ce qui nous paraissait indiscutable. Cela fait longtemps que j’alerte sur la bizarrerie qui conduit des galeries, qui sont pour l’essentiel de toutes petites entreprises, comme l’a encore rappelé le Comité des galeries d’art, à s’engager tellement à l’export, à investir tant de temps et de moyens dans la recherche effrénée de nouveaux collectionneurs à l’étranger, si difficiles à fidéliser, plutôt que de développer et chérir une clientèle de proximité, ce « premier cercle » que nous nous efforçons de réunir et de développer à Galeristes.
La fuite en avant, manifestement, ne les a pas aidées à se renforcer jusque-là, et montre actuellement ses limites. Écologiquement, humainement, intellectuellement, il est absurde de parcourir la planète en tous sens, si c’est pour voir ou montrer, partout, les mêmes œuvres au même public. Cette frénésie-là, selon moi, ne reviendra pas de sitôt, et c’est tant mieux !
Le modèle des foires montre ses limites. Le numérique apparaît pour l’instant comme une solution. Mais enfin, en l’absence de toute régulation, de tout mécanisme protecteur, comment imaginer qu’il n’aboutira pas à une concentration plus grande encore que celle que nous connaissons depuis une dizaine d’années ? Aux GAFAM, cet acronyme qui regroupe Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft, répondront peut-être, dans notre secteur, les GHPWZ, suivant les initiales de ces méga-galeries qui s’y investissent massivement. C’est plus dur à prononcer, et guère plus réjouissant pour ceux qui demeurent attachés à un modèle fondé sur l’humain.
Dans ce contexte, l’absence d’une initiative forte de la part de l’État m’apparaît incompréhensible : l’art est le seul secteur où aucun mécanisme de régulation, de protection des indépendants ou de la scène nationale, ou de redistribution n’a été mis en place. Il y a le prix unique du livre, les quotas pour la chanson, la taxe parafiscale sur les entrées de cinéma ou le chiffre d’affaires des télévisions, etc.
Mais pour l’art, Jack Lang n’a rien inventé. Normal, à son époque, l’industrialisation n’en était qu’à ses balbutiements. Mais maintenant, il faut agir pour que nos scènes nationales, les artistes mais aussi tous ceux qui font vivre leurs œuvres, au premier rang desquels les galeries « artisanales », entrevoient un avenir possible.
Quels sont les projets à venir pour le salon Galeristes après le confinement ?
SC : Je suis très confiant sur le fait que Galeristes 2020 puisse se tenir « normalement », dans les conditions et aux dates prévues au Carreau du Temple. Mais je me sens concerné par les incertitudes ou les déboires de tout notre écosystème, l’annulation ou le report des foires de printemps, voire ceux qui menacent les méga-foires de l’automne, dont le modèle même, basé sur le cosmopolitisme et le gigantisme, paraît bien décalé par rapport aux évolutions de nos modes de vie, qui devraient perdurer largement après l’été.
S’y ajoutent les difficultés dont témoignent déjà de nombreux acteurs du monde de l’art, des galeries fidèles de Galeristes, mais également d’autres, qui auront besoin sans doute de redémarrer à l’automne, d’aller à la rencontre de leur public, et de publics nouveaux.
Dans ce contexte, et sans pouvoir anticiper de la forme que cela pourra revêtir, j’ai d’ores et déjà prévenu qu’il me semblait incontournable de transformer Galeristes 2020 en véritable « fête de l’art français », la plus large et ouverte possible. Le moment venu, je proposerai des initiatives fortes pour que tous ceux qui se reconnaissent dans nos valeurs, et nos espoirs, puissent y être associés, dans le plus grand rassemblement possible.
Comment jugez-vous la communication globale du gouvernement actuel dans le domaine culturel ?
Trois ministres et trois styles se sont succédé à la Rue de Valois depuis 2017, et aucun n’est parvenu à relever le défi de faire oublier Jack Lang. Cette absence d’incarnation ne tient pas aux personnes, mais au fait que le monde de la culture a pu être abordé comme une composante économique et sociale parmi d’autres, sans valoriser son caractère essentiel.
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Margaux Brugvin : J’ai choisi d’investir Instagram car s’y trouvaient déjà les personnes potentiellement intéressées par mon contenu. Si j'avais créé un blog ou un podcast, j'aurais dû en faire la publicité sur Instagram et convaincre les gens de quitter ce réseau social pour migrer vers un autre média.
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Le prix Marcel-Duchamp, qui fête ses 20 ans, est bien connu par toute une génération de collectionneurs, de marchands ...
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