Cette passionnée de parfum, qui a collaboré avec les plus grandes marques, présente à Paris chez PHILLIPS, le projet PROFILE BY : six œuvres olfactives créées par six artistes bien connus des collectionneurs, Adel Abdessemed, Daniel Firman, Ori Gersht, Hubert Le Gall, Pablo Reinoso et Joana Vasconcelos.
Diane Thalheimer-Krief analyse ici l’intérêt croissant pour l’odorat, un sens négligé dans la culture occidentale rationaliste.
Tout au long de votre parcours, vous avez marié parfum et communication. Quel lien faites-vous entre ces deux univers ?
Diane Thalheimer-Krief : Le parfum coule dans mes veines, une passion depuis mon adolescence… Au-delà de la chimie, j’y trouve une magie. « Styles de femmes, styles de parfums » a été mon sujet de fin d’études au CELSA.
Les fragrances emblématiques qui ont marqué l’histoire de la parfumerie sont le reflet d’une époque, d’un style, d’une attente. Parfois certains sont même en avance sur leur temps et générateurs de nouvelles tendances.
Les parfumeurs sont en quelque sorte des sociologues. Ils « reniflent » l’air du temps : ils proposent des compositions nouvelles ou revisitées qui répondront aux aspirations du public.
Si l’odorat est le sens de l’instinct, les images et les mots pour parler des odeurs leur donnent une puissance supplémentaire.
À la faveur d’une expérience au sein du Grand Musée du Parfum à Paris, vous avez commencé à nouer votre passion du parfum et votre intérêt pour l’art ?
Diane Thalheimer-Krief : Lors de la création du Grand Musée du Parfum, j’ai été sollicitée en tant qu’expert pour faire partie du Comité Scientifique et Culturel puis j’ai assuré la direction artistique et culturelle du musée. J’y ai, entre autres, organisé des expositions et croisé le parfum avec d’autres univers… et notamment l’art contemporain.
Depuis 25 ans, je me passionne pour l’art contemporain, et parcours les expositions, les galeries et les foires avec curiosité. Le projet PROFILE BY fusionne mes deux passions. Dans cet exercice, je cherche à décoder l’ADN et le territoire sensoriel des artistes.
J’ai ainsi analysé leur profil artistique et olfactif, pour les inviter à découvrir un nouveau medium : l’odorat. Ils ont tous travaillé en duo avec un parfumeur-créateur qui a su traduire en odeurs leur personnalité la plus intime. 9 mois de gestation. 6 duos et 6 œuvres olfactives.
Comment avez-vous choisi vos artistes et comment les avez-vous convaincus ? Pour les marques que vous accompagnez, l’enjeu est une affirmation d’identité. Pour les artistes, le défi est-il d’une autre nature ?
Diane Thalheimer-Krief : Les artistes de cette première exposition d’œuvres d’art olfactives, présentée chez la maison de vente Phillips, à Paris, ont un double point commun : une forte personnalité et une démarche identitaire.
Lorsque je leur ai proposé de poursuivre leur exploration intérieure, et de mettre au jour une facette inexplorée d’eux-mêmes – leur patrimoine olfactif –, ils ont accepté avec enthousiasme et curiosité.
L’odorat est le sens de l’instinct et de l’animalité ; « cerveau des émotions », il enregistre nos souvenirs les plus inconscients dans une « mémoire sensorielle ». Nous avons tous un patrimoine olfactif inscrit en nous. Paradoxalement, le sens olfactif est le moins éduqué de nos sens ; un artiste, fut-il plasticien, ne peut y être insensible.
J’ai préparé un dossier analytique rassemblant le profil artistique de chaque artiste (ses œuvres, les mots clés pour définir sa démarche artistique, ses messages) et son profil olfactif. Après les avoir tous interrogé sur leur enfance, leurs expériences, leurs goûts, j’ai cartographié un territoire en pointillés.
J’ai partagé ce travail préparatoire avec la directrice de création des laboratoires IFF (numéro 1 mondial de la création de parfums) pour établir des duos : à chaque artiste nous avons associé un parfumeur-créateur. Une formidable aventure humaine et créative a commencé.
Parfumeurs et artistes ont appris à communiquer en toute liberté. Un nouveau champ lexical est alors apparu. L’artiste s’exprime avec ses mots et sa sensibilité pour évoquer sa démarche artistique ; le parfumeur répond par des notes, des accords.
Quels messages portent les odeurs que les autres sens ne transmettent pas et qui sont ici exprimés dans les intentions des artistes et des parfumeurs unis dans une même création ?
Diane Thalheimer-Krief : Chaque artiste a pu réaliser une œuvre, son œuvre. Les parfums-signatures sont aussi différents que le sont les artistes. Ils reflètent des émotions propres, exprimées de manière inédite.
Sensible à l’expérimentation et à la compréhension des sens, Daniel Firman exprime l’impossibilité de saisir un parfum qui s’échappe, qui surgit sans prévenir, aussi invisible qu’impalpable.
Sa sphère blanche, symbole d’unité, symbole de vie, et l’odeur singulière qu’il a composée en duo avec Nicolas Beaulieu, parfumeur senior chez IFF, est construite sur l’odeur de chêne d’un tonneau de cognac greffée au vétiver, à l’ambroxan et au patchouli. Le résultat est un choc intrigant et addictif. Son œuvre : « Saisir l’impossible (l’échappé) ».
La démarche d’Adel Abdessemed est différente. Son profil olfactif a inspiré Paul Guerlain (le plus jeune parfumeur du projet) à composer une rose orientale rehaussée de gingembre. Le sillage est sensuel, charnel, velouté.
Le titre de son œuvre olfactive « Noli me tangere » signifie « l’intouchable », évocation de la Beauté absolue et message d’amour à sa femme Julie. Adel évoque ainsi l’expérience PROFILE BY: « Dans mon travail, je dénonce les violences du monde. Avec ce parfum, pour la première fois, je travaille le Beau, sous toute ses formes !»
Cette approche inédite du parfum associe deux formes artistiques, deux révélateurs créatifs. L’artiste exprime sa personnalité et sa sensibilité, le parfumeur traduit en formule l’expression la plus intime du premier. Ainsi, les deux fusionnent.
Une union parfaitement incarnée dans les intentions de l’artiste portugaise Joana Vasconcelos. « Je veux un parfum qui fasse du bien ! », m’a-t-elle dit. Elle a choisi l’encens, symbole universel du parfum (« per fumum » en latin signifie « à travers la fumée »), le parfum des dieux et des cérémonies, combiné avec des notes fraiches, lumineuses et inattendues.
Joana a créé « Lança Perfume » une « Valkyrie » qui diffuse ses effluves aux 4 points cardinaux, une forme douce, arrondie et complexe, que son binôme maître parfumeur, Anne Flipo, a interprété avec talent, jouant avec les 7 chakras de l’artiste, pour un effet sensoriel clair et vivant : il diffuse la sérénité et me fait du bien !
Voilà le message : l’art fait du bien.
Avec sa mini-série « Merci de ne pas toucher », Arte sexualise les chefs d’œuvres de la peinture classique. Auteure et animatrice de ces programmes courts, la trentenaire Hortense Belhôte éveille le désir de Michel-Ange, Manet et Courbet pour faire avancer la cause des femmes, les droits des homosexuels et la connaissance des arts.
Un discours académique contrastant avec des images évoquant le sexe et l’homosexualité version queer, dans un format court, comment vous est venue l’idée de cette forme nouvelle pour un cours d’histoire de l’art ?
Hortense Belhôte : L’idée de la série est venue de mon parcours : j’ai étudié l’histoire de l’art à l’université en même temps que l’art dramatique dans un conservatoire, puis j’ai mené en parallèle une activité de prof et une activité de comédienne.
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Interview parue dans le Journal des Arts n° 560 du 05.02.21
Propos recueillis par Jean-Christophe Castelain
http://www.lejournaldesarts.fr
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Ce fonds, qui bénéficiera d’un soutien financier de 500 000 euros par an, initiera plusieurs actions pour financer, exposer et donner de la visibilité aux figures émergentes de l’art contemporain de demain.
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