Pour renforcer l’attractivité de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts à Paris, le nouveau directeur encourage les enseignements non artistiques. Avec la participation financière d’entreprises privées, il a également intégré de nouveaux modules de formation centrés sur les questions de société les plus brulantes.
Après une succession de crises, l’Ecole Nationale des Beaux-Arts vit un certain calme. Comment mesurez-vous l’amélioration de l’image de l’école, auprès des étudiants et futurs étudiants ?
Jean de Loisy : Les étudiants, les enseignements et la pratique de l’atelier sont la priorité absolue de l’école. Il n’est plus un seul espace qui ne soit à leur disposition, y compris le musée et le centre d’art.
Le renouvellement et le rajeunissement du corps professoral, avec un heureux panachage de générations à la faveur d’une quinzaine de recrutement, change aussi le climat car enseignants et étudiants partagent les mêmes préoccupations et développent leurs pratiques ensemble.
En conséquence, j’observe que nombre de grands artistes aimeraient venir enseigner à l’école. Le nombre de candidats, d’une année sur l’autre, a quasiment doublé. Enfin, la plupart des classements situent l’Ecole des Beaux-Arts de Paris entre le 50è et le 100ème rang, alors que nous étions encalminés entre la 150 et la 200ème position !
Je ne sais sur quoi se fonde ce classement, mais cela fait du bien de ressentir cette considération renouvelée. Cela nous plait aussi de répondre, par ces progrès, à l’engagement constant et solide du Ministère de la Culture auprès de nous.
Les problèmes liés au sexe ou aux minorités ont hanté l’ENSBA. L’arrivée de deux professeurs d’à peine 30 ans, une femme et un homme issus de la diversité, est-elle une réponse consciente, qui permettra de se reconcentrer sur des débats artistiques ?
Jean de Loisy : La longue épreuve de la pandémie nous a incités à poursuivre le travail sur ces questions. Un dispositif vise à améliorer la prise en charge d’un éventuel problème à la première alerte.
La cellule de veille mise en place en 2018 pour prévenir et lutter contre harcèlements et discriminations est composée d’élèves, d’agents et de professeurs.
Le suivi psychologique et social dans la cellule « harcèlement », anonyme, est assuré par un avocat, des élèves et des professeurs. Depuis mars 2020, le suivi juridique et psychologique qui lui est associé a été sollicité par 2% des étudiants. Le climat est redevenu propice au travail, qui peut d’ailleurs porter sur ces questions politiques et sociales, car les artistes confirmés comme les jeunes artistes sont par définition à l’écoute du monde.
Quels moyens vous donnez-vous pour élargir le recrutement ?
Jean de Loisy : Le dispositif baptisé « Via Ferrata », initié par mon prédécesseur Jean-Marc Bustamante, a été doublé. Il vise à favoriser l’intégration des jeunes étudiants en situation sociale non favorisée.
En partenariat avec un mécène, le nombre d’étudiants aidés passera de 25 à 50 l’année prochaine. Il s’agit d’encourager ceux qui n’oseraient pas prendre le risque de s’inscrire dans une école qui, à la différence d’une école d’architecture ou de design, n’a pas l’image d’une préparation à l’entrée dans la vie industrieuse.
Il est crucial que l’Ecole renforce sa diversité sociale et géographique. Nous progressons un peu, le coût de la vie parisienne rend cela difficile, on y arrivera.
Par rapport aux Arts déco ou à la Saint-Martin School à Londres, quelles spécificités souhaitez-vous mettre en valeur pour recruter les meilleurs étudiants, les meilleurs enseignants ?
Jean de Loisy : Les Beaux-Arts de Paris n’enseignent ni le design, ni l’architecture intérieur. Cela rend d’autant plus essentiel l’étude de tout ce qui se pense dans l’art, mais aussi dans la science, l’économie, le politique.
Nous promettons un « équipement » pour l’esprit autant que pour le cœur. En plus de la très grande culture générale qu’il acquiert, l’étudiant des Beaux-Arts fait une plongée en lui-même profonde et difficile. Accompagné par de grands artistes et de grands intellectuels, il apprend à être disruptif, inventif.
Nos diplômés sont parmi les gens les plus cultivés qui sortent d’études supérieures. Bientôt artistes, ou pas, ils sont indispensables dans bien d’autres champs que celui de l’art. Je les crois indispensables à de nombreux endroits de notre société, y compris dans les entreprises.
La crise du COVID a perturbé le programme des expositions. Selon vous, le patrimoine de l’école et les expositions doivent-ils redevenir une priorité ?
Jean de Loisy : Le programme d’expositions permanentes est désormais pris en main par les étudiants de l’école, de conserve avec d’anciens étudiants. Sur 25 ou 30 thèmes par an, ils associent le patrimoine de l’Ecole - son trésor ! - avec leurs propres créations.
Le musée devient un outil pédagogique, dans le cadre d’une filière qui professionnalise aux métiers de l’exposition. Chaque année, s’y inscrivent une vingtaine d’étudiants qui, formés par les équipes du Palais de Tokyo et les nôtres, réinventent le modèle de l’exposition, en cheville avec deux commissaires issus de l’école et trois autres, sélectionnés sur dossier.
Nous avons ainsi pu montrer le travail de 70 étudiants confrontés à Durer, Poussin ou Raphael. Ce principe, qui n’isole plus les étudiants des collections, qui les poussent à inviter avec leurs collègues et leurs professeurs, a intrigué les patrons des principales institutions parisiennes, qui nous ont rendu visite dans les premiers jours de la dernière exposition.
La relation étudiants-musées-jeunes commissaires permet de faire de notre musée un laboratoire vivant, en mouvement, mêlant siècles et techniques.
Le mécénat est vital pour toutes les institutions d’enseignement, aujourd’hui. Sur quelle ligne de crête marchez-vous pour faire tourner la maison sans prêter le flac à la privatisation de la culture ?
Jean de Loisy : Le partenariat que l’on construit avec les entreprises à une visée claire : l’essentiel pour les études et la collection. Il n’y a pas de méprise sur la destination des collaborations : elles financent de nouvelles chaires, installent de nouveaux enseignements, ainsi que le musée.
Certaines aides vont même directement dans la poche des étudiants, invités par exemple, à répondre à des appels à projet pour des œuvres destinées à l’espace public ou à des entreprises, des cabinets d’avocat…
Quant à la privatisation des espaces, elle est désormais limitée à 65 jours par an, à la fin du premier trimestre. A titre de comparaison, je rappelle que les ressources propres représentent 10% de notre budget, contre 65 % au Palais de Tokyo.
En pleine préparation de l’édition 2021, qui se tiendra du 8 au 11 avril, le directeur d’Art Paris se réjouit d’accueillir plusieurs galeries internationales d’importance. Profitant de l’attraction nouvelle de Paris, Guillaume Piens fait subtilement évoluer le positionnement de l’événement, en valorisant l’image de « foire régionale » tout en renouant avec la pointe avancée de l’art contemporain.
Selon vous, pourquoi Art Paris enregistre-t-elle l’inscription de galeries prestigieuses, qui snobaient votre foire ?
Guillaume Piens : Il y a eu tout d’abord le succès de l’édition de septembre 2020, qualifié d’«insolent » par le Journal des Arts. Nous avons montré qu’il était possible d’organiser une grande foire par temps de pandémie, en tenant contre vents et marées. Nous récoltons les fruits de cette ténacité et ...
Lire la suite >>>Son exposition personnelle au Centre Matmut pour les arts, en Normandie, a temporairement fermé ses portes en raison de la pandémie. Qu’importe, l’artiste qui se joue de la photo entretient un lien de complicité avec ses followers, via son compte Instagram. Une visibilité autonome, construite avec méthode, qui lui servira pour trouver une galerie.
Votre premier post sur Instagram date du 30 octobre 2015. Comment avez-vous deviné l’importance de ce réseau social, dans le monde de l’art ?
Sabine Pigalle : Je n’ai rien deviné du tout ! A l’époque, j’alimentais ma page Facebook, ouverte en 2008 et je ne voyais pas l’intérêt de migrer vers un autre réseau social.
Avant d’en prendre conscience, j’ai observé, j’ai tâtonné. Mes premiers posts parlaient surtout de la Normandie où je vis, de mes amis et des ...
Lire la suite >>>Pour sa première action de mécénat, la collectionneuse Sophie Javary a choisi une œuvre d’Agnès Thurnauer. En permettant l’installation des "Matrices/Chromatiques" au musée de l’Orangerie, pour dix ans, elle offre une visibilité à une femme artiste et, au public, une réflexion contemporaine sur le langage.
En pleine crise sanitaire et économique, vous venez de financer une importante pièce d’Agnès Thurnauer pour le musée de l’Orangerie. Quel déclic a fait, de la collectionneuse que vous étiez, une mécène ?
Sophie Javary : Le goût de l’art contemporain m’est venue, adolescente, lors de stages de poterie au chateau de Ratilly. Grâce aux époux Pierlot, qui organisaient des expositions dans ce château bourguignon du 13ème siècle, j’ai découvert Genevieve Asse, Viera da silva. Calder. Arpad Szenes.
Lire la suite >>>Depuis 20 ans, les œuvres de Philippe Pastor affichent, comme une obsession, la responsabilité individuelle de chaque homme dans la destruction de la nature. Série après série, ses toiles, sculptures et installations empruntent au vivant pour appeler à la prise de conscience.
Son esthétique est un outil au service d’une cause universelle. Paradoxalement, le sentiment d’intemporalité créé par l’artiste monégasque est un signal d’urgence, un appel à l’action.
Vous êtes autodidacte et avez commencé votre pratique artistique sur le tard. Quel est l’élément marquant qui vous a poussé à peindre ?
PHILIPPE PASTOR : Un jour, j’ai décidé de changer mes habitudes et mes fréquentations, de vivre dans d’autres lieux pour mener une autre vie. Alors la peinture est venue, d’elle-même.
Lire la suite >>>Par FRANÇOIS BLANC
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Par RAPHAËL TURCAT
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