© Caroline Bleux, Agence Big Shot
© Caroline Bleux, Agence Big Shot
Parce qu’elle collecte et répartit les droits d’auteur depuis 1953, l’Adagp, Association de défense des auteurs dans les arts graphiques et plastiques, est en capacité d’observer en direct les effets économiques de la pandémie.
Face à une « crise à 360° », sa directrice a choisi une communication digitale offensive, en gardant l’espoir de renouer bientôt avec les échanges simples et directs.
D’un point de vue économique, la période est triplement éprouvante pour les artistes et les auteurs : projets chamboulés, vaches maigres annoncées… et déclaration fiscale à renseigner. À l’annonce du confinement, quel a été le message prioritaire de l’ADAGP et quel a été le moyen le plus efficace pour le communiquer ?
Marie-Anne Ferry-Fall : Dès l’annonce du confinement, par un e-mail envoyé le mardi 17 mars et sur son site, l’ADAGP a voulu rassurer ses 15 000 artistes et auteurs quant à leurs droits.
Notre message était simple, essentiel : malgré les perturbations, nos services, dont la mission première est de collecter les droits pour les reverser à nos adhérents, sont en ordre de marche, les équipes réorganisées et mobilisées, les interfaces et outils informatiques sécurisés.
Nous avons pu ainsi assurer sans retard les opérations de répartition puis de reversement de droits prévus en mai-juin, mais aussi anticiper de six mois le versement de certains droits tels que la copie privée habituellement versée lors du grand versement semestriel d’octobre-novembre.
Enfin, pour que le poumon de la culture ne soit pas affecté, il a été d’emblée annoncé que l’ADAGP maintiendrait les dotations à toutes les manifestations soutenues au titre de l’action culturelle, fussent-elles annulées.
La seule condition posée : que les organisateurs s’engagent naturellement à maintenir parallèlement les rémunérations prévues pour les artistes.
Qu’en a-t-il été des certificats de précompte que les adhérents attendaient pour les déclarations de revenus des artistes ?
Marie-Anne Ferry-Fall : Sachant qu’approchait la période de déclaration des revenus 2019, la journée du lundi 16 mars a été mise à profit pour mettre sous pli, avec l’aide de toute l’équipe encore sur place, les certificats de précompte et les récapitulatifs de droits pour la déclaration de revenus.
L’ADAGP a accordé des délais supplémentaires (de 15 jours à un mois) pour les déclarations que les artistes devaient lui envoyer au 31 mars (dispenses de précompte et déclarations d’utilisation pour les droits collectifs).
Finalement, tout s’est passé de manière fluide.
Le télétravail et les réseaux resteront-ils les canaux privilégiés pour échanger les informations, au sein de l’équipe de l’ADAGP d’une part et avec vos interlocuteurs d’autre part ?
Marie-Anne Ferry-Fall : Malgré l’engagement et la bonne volonté des 60 membres de l’équipe, nous faisons le constat tous les jours de la difficulté de fonctionner à distance ! On travaille plus, sur de longues plages horaires, pour une efficacité deux fois moindre.
Les messages « Pour info », « Pour action », avec 30 personnes en copie, ne remplacent pas l’échange fluide que nous connaissions, étant tous ensemble rassemblés sur un même site. En revanche, proposer des consultations juridiques individuelles pour des photographes via Facebook, comme nous l’avons fait le week-end du 25 et 26 avril dans le cadre du festival Circulation(s) réadapté, ça marche.
Le 4 mai, Stéphane Corréard animait un débat à distance et en live, sur le thème de l’après-crise pour les arts visuels avec des échanges vifs, interactifs et constructifs, même via YouTube.
Je pense aussi que nous développerons les colloques et les sessions de formation en streaming, en format 30/100 personnes ou 5/10 personnes qui facilitent le lien avec nos membres qui ne vivent pas en région parisienne.
Malheureusement pour cet été, nous allons devoir renoncer à nous déplacer sur plusieurs événements prévus en régions qui nous permettent habituellement de venir à la rencontre des artistes. Nous ferons en sorte de développer les captations vidéo et retransmissions de nos ateliers et tables rondes (Causeries, Débats !).
Dès l’année prochaine, nous redynamiserons la programmation de nos rencontres à l’ADAGP et en régions, sans YouTube ni Facebook.
À partir de l’expérience des précédents coups de frein économiques, comment l’ADAGP envisage-t-elle le court et le moyen terme pour les auteurs et les artistes ?
Marie-Anne Ferry-Fall : Je n’ai pas le recul nécessaire pour répondre et j’espère que nous aurons une bonne surprise... Mais nous constatons déjà de multiples annulations d’événements artistiques, non seulement pour juin et juillet, mais aussi pour août, septembre et même novembre.
Sans être pessimistes, nous pensons que l’économie de la culture sera durablement impactée sur l’année, avec des effets secondaires mortifères pour les galeries, les associations porteuses de salons et de festivals, les éditeurs, etc. À mon sens, les centres d’art financés par les collectivités locales résisteront mieux que ceux du secteur privé.
La spécificité de cette crise, c’est que tous les secteurs sont touchés, sur toute la planète, au même moment. Pour les artistes et pour l’ADAGP, aucun revenu n’est épargné : l’audiovisuel ne sauve pas le marché de l’art, le livre avec les librairies fermées ne compense pas les institutions muséales privées de visiteurs.
Les droits habituellement perçus à l’étranger (33 % environ) sont affectés par la crise autant que ceux perçus en France. C’est une crise à 360° et je crains que notre secteur subisse en version démultipliée la chute générale de l’économie : - 10 % sur le PIB, ce sera sans doute – 25 % pour la culture.
En se projetant non seulement dans l’après-confinement, qui commencera le 11 mai, mais dans un « monde d’après », quelles évolutions permettraient de protéger les artistes et les auteurs ?
Marie-Anne Ferry-Fall : Ici et maintenant, il faut d’abord faire entendre la voix des auteurs ! Le premier fonds de solidarité annoncé par les pouvoirs publics, soit 1 milliard d’euros destinés aux travailleurs indépendants, n’excluait pas les artistes mais les conditions d’éligibilité les empêchaient concrètement d’y prétendre !
Juste après avoir bataillé pour obtenir la modulation de ces règles, nous avons reçu un autre mauvais signal pour les arts visuels : globalement modeste puisque doté de seulement 22 millions d’euros en comparaison des 500 milliards distribués en Allemagne, le fonds spécifique du ministère de la Culture n’attribuait que 2 millions (donc moins de 10 %) aux arts plastiques.
C’est pourtant celui qui, devant la musique, le cinéma, le spectacle vivant, la presse, fait vivre le plus de personnes en France et nous ne bénéficions pas de système analogue à l’intermittence. Les aides annoncées pour les mois d’avril et mai devront corriger cette inégalité.
Inspirées ou non des exemples étrangers, quelles sont les demandes déjà formulées auprès des pouvoirs publics que vous souhaiteriez pousser plus vivement ?
Marie-Anne Ferry-Fall : Dans le même tempo, car il n’y a pas de temps à perdre, je demande l’application scrupuleuse et égalitaire de la loi sur les droits d’auteur notamment le droit d’exposition, promulguée en 1957, confirmée en 2002 par la Cour de cassation. Ce qui vaut pour le cinéma dans les salles et la musique lors d’un concert doit valoir pour les expositions de peinture, de photographie, etc.
C’est un « vrai sujet » dont tout le monde parle la main sur le cœur, mais il faut mettre aussi la main au portefeuille. Un musée qui montre un artiste ne doit pas considérer qu’il n’a pas à payer de droit d’auteur au prétexte de « faire sa pub ». À quel autre professionnel oserait-on proposer de payer en notoriété ?
Il faut par ailleurs accélérer la transposition de la directive européenne donnant aux créateurs et à leurs sociétés de gestion collective les moyens juridiques de négocier avec les plateformes Internet telles Facebook, Instagram, Pinterest…
Enfin, je voudrais que l’on reconsidère ce que l’ADAGP propose depuis longtemps, à savoir que encadrés par un plafonnement peu élevé, les achats d’œuvres d’art d’artistes de la scène française bénéficient d’une partie défiscalisée.
Toutes les crises sont des accélérateurs d’innovation en même temps que des épreuves. Avez-vous d’ores et déjà noté des raisons d’espérer ?
Marie-Anne Ferry-Fall : Nous assistons à une catastrophe dans la culture et la directrice de l’ADAGP que je suis ne voit aucun bon côté à l’annulation des foires d’art contemporain ou à la réduction du programme littéraire d’une maison d’édition. Mon rôle est toutefois d’analyser le modèle économique de la culture et ses conséquences pour les artistes et les auteurs.
Avant le confinement, il y avait surchauffe ! Toujours plus de livres, plus d’expositions, plus de films de plus en plus brièvement projetés dans les salles, plus d’albums diffusés sur des temps de plus en plus restreints…
Pour l’immense majorité des artistes, cette expansion ne s’accompagne pas d’une augmentation de leurs revenus, bien au contraire ! Quant à la diversité culturelle, est-elle véritablement promue par ce système qui précarise les auteurs, qui les incite à gommer leurs spécificités pour entrer dans tel créneau ou telle case ? Ce formatage, derrière la profusion, devra être remis en cause collectivement, mais aussi individuellement, par chacun de nous en tant que citoyen et aussi en tant que consommateur. « Durable », « local », « collaboratif » sont des valeurs qui concernent aussi la culture.
En pleine préparation de l’édition 2021, qui se tiendra du 8 au 11 avril, le directeur d’Art Paris se réjouit d’accueillir plusieurs galeries internationales d’importance. Profitant de l’attraction nouvelle de Paris, Guillaume Piens fait subtilement évoluer le positionnement de l’événement, en valorisant l’image de « foire régionale » tout en renouant avec la pointe avancée de l’art contemporain.
Selon vous, pourquoi Art Paris enregistre-t-elle l’inscription de galeries prestigieuses, qui snobaient votre foire ?
Guillaume Piens : Il y a eu tout d’abord le succès de l’édition de septembre 2020, qualifié d’«insolent » par le Journal des Arts. Nous avons montré qu’il était possible d’organiser une grande foire par temps de pandémie, en tenant contre vents et marées. Nous récoltons les fruits de cette ténacité et ...
Lire la suite >>>Son exposition personnelle au Centre Matmut pour les arts, en Normandie, a temporairement fermé ses portes en raison de la pandémie. Qu’importe, l’artiste qui se joue de la photo entretient un lien de complicité avec ses followers, via son compte Instagram. Une visibilité autonome, construite avec méthode, qui lui servira pour trouver une galerie.
Votre premier post sur Instagram date du 30 octobre 2015. Comment avez-vous deviné l’importance de ce réseau social, dans le monde de l’art ?
Sabine Pigalle : Je n’ai rien deviné du tout ! A l’époque, j’alimentais ma page Facebook, ouverte en 2008 et je ne voyais pas l’intérêt de migrer vers un autre réseau social.
Avant d’en prendre conscience, j’ai observé, j’ai tâtonné. Mes premiers posts parlaient surtout de la Normandie où je vis, de mes amis et des ...
Lire la suite >>>Pour sa première action de mécénat, la collectionneuse Sophie Javary a choisi une œuvre d’Agnès Thurnauer. En permettant l’installation des "Matrices/Chromatiques" au musée de l’Orangerie, pour dix ans, elle offre une visibilité à une femme artiste et, au public, une réflexion contemporaine sur le langage.
En pleine crise sanitaire et économique, vous venez de financer une importante pièce d’Agnès Thurnauer pour le musée de l’Orangerie. Quel déclic a fait, de la collectionneuse que vous étiez, une mécène ?
Sophie Javary : Le goût de l’art contemporain m’est venue, adolescente, lors de stages de poterie au chateau de Ratilly. Grâce aux époux Pierlot, qui organisaient des expositions dans ce château bourguignon du 13ème siècle, j’ai découvert Genevieve Asse, Viera da silva. Calder. Arpad Szenes.
Lire la suite >>>Depuis 20 ans, les œuvres de Philippe Pastor affichent, comme une obsession, la responsabilité individuelle de chaque homme dans la destruction de la nature. Série après série, ses toiles, sculptures et installations empruntent au vivant pour appeler à la prise de conscience.
Son esthétique est un outil au service d’une cause universelle. Paradoxalement, le sentiment d’intemporalité créé par l’artiste monégasque est un signal d’urgence, un appel à l’action.
Vous êtes autodidacte et avez commencé votre pratique artistique sur le tard. Quel est l’élément marquant qui vous a poussé à peindre ?
PHILIPPE PASTOR : Un jour, j’ai décidé de changer mes habitudes et mes fréquentations, de vivre dans d’autres lieux pour mener une autre vie. Alors la peinture est venue, d’elle-même.
Lire la suite >>>Par FRANÇOIS BLANC
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Par RAPHAËL TURCAT
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