La BD accède à l’âge adulte ! Bienvenue à l’école, consacrée par les musées et reçue à l’Académie Française… A rebours de l’agitation provoquée par les auteurs, en quête légitime de statut, le directeur général de la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l'Image insiste sur le chemin accompli.
La cote des planches anciennes monte au ciel, mais les originaux des artistes populaires d’aujourd’hui sont loin d’être au niveau des artistes contemporains. Est-ce juste une question de temps ?
Pierre Lungheretti : Depuis les années 60, la BD a muri, sociologiquement et institutionnellement. Ses auteurs ont conquis l’univers des adultes et font l’objet d’analyses littéraires, esthétiques qui s’intègre dans l’histoire de l’Art.
Cette valorisation symbolique produit une conscience patrimoniale, qui légitime la place des planches dans les musées, ainsi que dans les collections particulières. D’ores et déjà, les records de Hergé ou Uderzo augmentent la cote de Bilal et Tardi, qui dope la valeur de la génération suivante.
Non content d’être issus des écoles d’art, de croiser le cinéma, la littérature et les techniques les plus innovantes, les jeunes auteurs connaissent les codes, les collectionneurs, les commissaires d’exposition, les galeristes.
Pour des auteurs tels que Nicolas de Crécy ou Winshluss, la reconnaissance institutionnelle a été concomitante à la reconnaissance du marché.
La pandémie vous a évidemment contraint à revoir la programmation de l’Année de la BD. Et pourtant, 2020 restera une année marquante pour le 9è Art. Par quel prodige avez-vous maintenu la tension autour de cet évènement préparé de longue date ?
Pierre Lungheretti : En décembre 2019, au moment de l’annonce officielle de l’Année de la BD, 350 événements étaient programmés. Fin 2020, nous en avons recensé 2 200.
Faudrait-il pleurer sur notre sort ? Frank Riester, l’ancien ministre de la Culture, a lancé un mouvement de grande ampleur, qui a mobilisé notamment le Château de Versailles, le Musée Picasso ou la Philharmonie aussi bien que des associations, des collectivités locales, des médiathèques, des universités.
C’est la magie du numérique, lorsqu’il est bien maitrisé : des dizaines d’initiatives, dont le financement était garanti, ont été repensées, adaptées et maintenues au bénéfice d’un public parfois élargi.
Pour le monde de la bande dessinée, qu’est-ce qui a changé en 2020, Année de la BD ?
Pierre Lungheretti : La France est un pays de référence pour la BD, mais sa valeur artistique et culture n’est pas complètement reconnue. A titre d’exemple, l’Education nationale ne semble pas prendre en compte les bénéfices pédagogiques qu’elle permet.
Au ministère de la Culture, le secteur était bien identifié comme une catégorie de l’industrie du livre, mais pas encore inscrit dans l’ADN de la politique culturelle, notamment dans le champ des arts visuels, dont fait partie la bande dessinée.
L’Année de la Bande Dessinée, ouverte par le Président de la République à Angoulême a fait bouger les lignes. La commande nationale d’estampes du Centre National des Arts Plastiques en atteste, très concrètement.
Idem pour le programme mis en place par les ministres de l’Education nationale et de la culture, via le Centre national du livre, qui prévoit au moins une résidence d’auteur de BD, par département et par an.
Le rôle de la BD dans l’apprentissage de la lecture et pour l’éveil artistique commence à être reconnu. Le travail mené depuis les Etats généraux de la BD en 2015, prolongé mon rapport en 2019 et parachevé par Bruno Racine, n’a pas été vain.
En 25 ans, les bandes dessinées elles-mêmes sont devenues adultes...
Pierre Lungheretti : La BD s’est émancipée de la tradition franco-belge et, loin de s’adresser uniquement aux enfants, traite de sujets sociaux, historiques, sociétaux. La politique, l’environnement, la justice, rien n’échappe au regard des auteurs, qui rencontrent les attentes des lecteurs. On publiait 500 albums il y a 25 ans, il en sort 5 000 par an.
De toute évidence, la BD n’est plus cet « art sans mémoire » que décrivait Thierry Groensteen en 2010. Elle a une histoire, qui devient par elle-même un sujet d’intérêt scientifique, d’un point de vue patrimonial. Des musées sont en germe à Genève, Bruxelles, Taiwan et Los Angeles. Des bibliothèques aux salles des ventes, la mutation est globale.
En apparence, le monde de la BD semble traverser la révolution numérique sans transformation majeure. Qu’en est-il au juste, du point de vue de la création et de la diffusion, et … du piratage?
Pierre Lungheretti : Un phénomène est particulièrement frappant, celui des « scantrad ». Mais ce piratage, qui consiste à scanner des BD pour les diffuser dans d’autres langues en support numérique, reste circonscrit aux mangas.
De même, la BD numérique, que l’on peut lire en scrollant sur son smartphone, tout comme les webtoon, une suite de planches enchainées, ne bouleversent pas l’éco-système.
Certes, le dynamisme de de la BD africaine bénéficie de l’accessibilité relative aux outils numériques, mais ailleurs, le support papier reste majeur. Et la diffusion par les librairies, notamment spécialisées, demeure vivace.
Quant aux outils de création, la palette graphique n’a pas totalement remplacé l’encre et les crayons. Le monde de la BD est marqué par une forme d’équilibre entre tradition et modernité.
Quelle est la place des réseaux sociaux, des influenceurs dans l’éco-système de la bande dessinée?
Pierre Lungheretti : Beaucoup d’auteurs sont présents sur Instagram. Théo Grosjean par exemple, l’auteur de l’Homme le plus flippé du monde, a dépassé les 150 000 abonnés. Idem pour Pénéloppe Bagieu, dont les posts sont très suivis.
Margaux Motin a dépassé les 300 000 followers. Il y a aussi des échanges sur Twitter. Mais l’influenceur le plus important porte l’habit vert ! Pascal Ory n’est pas un historien de plus à l’Académie française ; il est entré sous la Coupole avec une réputation de critique de Bande dessinée.
De même, lorsque Benoit Peteers a commencé son cycle de conférence au Collège de France : un plafond de verre a été brisé.
S’agissant du Festival d’Angoulème, qui était une vitrine de la BD et qui semble la cible récurrente d’interpellations et de contestations, quel regard portez-vous sur les crises successives ?
Pierre Lungheretti : Quand les auteurs réclament un statut ou revendiquent la rémunération des dédicaces, ils n’imputent pas de responsabilité aux organisateurs du Festival mais se servent d’Angoulème comme d’un forum à résonnance mondiale.
Le Festival d’Angoulème, parce qu’il est un véritable creuset contrairement à d’autres manifestations plus sectorisées, parce que s’y côtoient la BD amérciaine et le Manga, la tradition franco-belge et les auteurs plus contemporains, est devenu une vraie caisse de résonance.
Selon vous, comment redonner au Festival d’Angoulême une autorité indiscutable ?
Pierre Lungheretti : Le 9ème Art étant un des rares secteurs en croissance forte, avec une augmentation de 9% en 2020, tout débat, sur la place des femmes par exemple, cumule des dimensions politiques et économiques.
Lorsque ces questions seront résolues, le climat s’apaisera aussi lors du Festival.
L'Institut Français de la Mode, quai d'Austerlitz, Paris
"Plus que jamais pour bien communiquer, il faut être en veille et curieux de tout." Dolorès Gonzalez, responsable de la communication au Palais de Tokyo.
Dolorès Gonzalez est responsable de la communication au Palais de Tokyo. Autodidacte, elle nous décrit les enjeux de son métier.
Quel a été votre parcours avant d’intégrer la Direction de la communication du Palais de Tokyo ?
J’ai un parcours assez atypique. Mon Baccalauréat littéraire en poche, j’ai suivi une année de Lettres Modernes à la Sorbonne mais très vite, j’ai ressenti l’envie d’entrer dans la vie active, d’être dans le concret. Je me suis alors formée sur le terrain en expérimentant divers petits boulots.
Lire la suite >>>Le campus de l'Université Lumière Lyon 2
Laurène Blottière de la Fondation Cartier pour l’art contemporain
Laurène Blottière est coordinatrice de la promotion, des partenariats et des événements à la Direction de la communication et du développement de la Fondation Cartier pour l’art contemporain. Titulaire d’un DESS d’histoire de l’art à l’université Paris I Panthéon Sorbonne enrichi d’une année de muséologie à l’École du Louvre, Laurène Blottière nous décrit son parcours et les enjeux de son métier.
Quel a été votre parcours avant d’intégrer la Fondation Cartier pour l’art contemporain ?
Durant cinq ans, j’ai été en charge de la communication de l’ensemble des projets culturels organisés au sein des Galeries Lafayette et de toutes les expositions programmées à la Galerie des Galeries, un espace culturel de 300 m² au cœur du magasin Haussmann. Cette expérience a été particulièrement enrichissante car tout était à développer : la communication, les ...
Lire la suite >>>Par FRANÇOIS BLANC
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Par RAPHAËL TURCAT
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