Pour Me Jean-Jacques Neuer, avocat spécialisé dans les contentieux liés au marché de l’art, la communication est un mal nécessaire. À partir du litige qui opposait la Picasso administration aux époux Le Guennec, décryptage d’une stratégie judiciaire.
Dans l’affaire de recel d’œuvres d’art, où vous défendiez la Picasso administration contre les époux Le Guennec, qui prétendaient avoir reçu de Picasso un don de 271 œuvres, pourquoi avez-vous dénoncé ceux qui en avaient fait « une histoire de lutte des classes » ?
Jean-Jacques Neuer : La France a une fragilité en ce qu’elle a un rapport ambigu à l’argent. Pour s’assurer de la sympathie de l’opinion, la partie adverse avait d’emblée pris cet angle de communication : je défendais la plus puissante succession d’artiste contre un modeste électricien !
Ainsi, la difficulté majeure n’était pas juridique, mais émotionnelle : l’opinion publique voulait croire à une fable, aussi peu crédible soit-elle : un électricien de Picasso qu’aucun biographe ne connaissait, qui ne comptait ni parmi ses amis, ni parmi ses proches avait reçu du Maître le plus important cadeau qu’il n’ait jamais fait à qui que ce soit : 271 œuvres ! Il fallait donc rétablir la vérité de cette affaire.
Au cours de la procédure, que vous avez fini par emporter la conviction du tribunal, comment avez-vous communiqué ?
Au départ personne ne nous donnait une chance. Heureusement la justice n’a pas été dupe mais la grande difficulté a été de faire comprendre à l’opinion publique française y compris quelquefois à de brillants intellectuels, des journalistes, qu’il ne s’agissait pas d’autre chose que d’une affaire pénale, d’une mystification totalement cynique.
Pour ce faire, j’ai dû entrer dans la mécanique de cette si morbide passion qu’a notre pays pour la lutte des classes et ainsi sacrifier au prisme français, expliquer que cette affaire n’opposait pas un pauvre à des riches mais des riches à des très riches et très malhonnêtes qui avaient utilisé une personne uniquement pour mettre en scène une possession frauduleuse, qui avaient froidement tenté de gruger l’opinion publique qui a finalement compris et s’est retournée.
L’électricien n’a jamais eu ces œuvres entre les mains avant de les présenter à la Succession. Une raison parmi des dizaines : vous vous doutez bien qu’une personne qui gagne 1.200 € par mois en aurait vendu une en quarante ans. Ces œuvres sont des œuvres volées qui étaient entre les mains de marchands suisses.
Ceux-ci ont recruté cet électricien qui a joué le rôle d’une mule pour reprendre une expression liée au trafic de drogue. Il avait une histoire à raconter : « je travaillais pour Picasso, le Maître me les a données ».
La presse du monde entier s’est jetée sur cette affaire. Des journalistes chinois, russes, coréens, américains ! Les Anglo-saxons, eux, ont compris tout de suite car ce qui les a passionnés c’était le côté « roman policier » ; ils n’ont pas été submergés par des considérations idéologiques.
En appel, vous avez été confronté à Eric Dupond-Moretti. Avez-vous été tenté de vous mettre sur le terrain de ce ténor charismatique et fort en communication ?
Jean-Jacques Neuer : Lorsque la partie adverse utilise de manière massive l’arme de la communication, vous ne pouvez pas regarder ailleurs et faire comme s’il ne se passait rien. Bien sûr, la justice est technique mais elle est aussi rendue au nom du peuple français et même s’il ne s’agit pas de substituer le tribunal de l’opinion à celui des juges, il y a quasiment un devoir d’explication qui participe du respect.
Il est impossible d’ignorer les questions que se posent les gens, les avocats, pas plus que la justice ne sont sur un quelconque Olympe qui les dispense d’expliquer et de justifier la position qu’ils défendent.
Lorsque vous recevez un galeriste, le directeur d’un musée ou un héritier, votre objectif premier est-il toujours de privilégier une transaction afin d’éviter une procédure publique ?
Jean-Jacques Neuer : Le premier réflexe, c’est d’éviter une procédure tout court ! La justice est toujours une épreuve longue, coûteuse, incertaine.
Le secret est la règle, la discrétion une nécessité. Il est extrêmement rare que mes clients ou moi-même médiatisions une affaire. Il est vrai qu’il est quelquefois nécessaire, dans l’intérêt des clients, parfois du marché de l’art, de dégonfler un certain nombre de fantasmes.
Dans le cadre de la défense des grandes successions, par exemple, j’ai pris soin d’expliquer aux magistrats mais aussi à l’opinion publique que celles-ci jouaient un rôle de régulateur de marché qu’aucune autorité n’est en pratique en mesure d’assumer.
Les grandes successions, en bloquant les faux, empêchent chaque année des milliers de victimes de se faire escroquer et permettent au marché tout entier de ne pas être détruit et de fonctionner. Étant avocat français et Solicitor anglais, là encore, je mesure chaque jour la différence d’approche des deux cultures.
L'Institut Français de la Mode, quai d'Austerlitz, Paris
"Plus que jamais pour bien communiquer, il faut être en veille et curieux de tout." Dolorès Gonzalez, responsable de la communication au Palais de Tokyo.
Dolorès Gonzalez est responsable de la communication au Palais de Tokyo. Autodidacte, elle nous décrit les enjeux de son métier.
Quel a été votre parcours avant d’intégrer la Direction de la communication du Palais de Tokyo ?
J’ai un parcours assez atypique. Mon Baccalauréat littéraire en poche, j’ai suivi une année de Lettres Modernes à la Sorbonne mais très vite, j’ai ressenti l’envie d’entrer dans la vie active, d’être dans le concret. Je me suis alors formée sur le terrain en expérimentant divers petits boulots.
Lire la suite >>>Le campus de l'Université Lumière Lyon 2
Laurène Blottière de la Fondation Cartier pour l’art contemporain
Laurène Blottière est coordinatrice de la promotion, des partenariats et des événements à la Direction de la communication et du développement de la Fondation Cartier pour l’art contemporain. Titulaire d’un DESS d’histoire de l’art à l’université Paris I Panthéon Sorbonne enrichi d’une année de muséologie à l’École du Louvre, Laurène Blottière nous décrit son parcours et les enjeux de son métier.
Quel a été votre parcours avant d’intégrer la Fondation Cartier pour l’art contemporain ?
Durant cinq ans, j’ai été en charge de la communication de l’ensemble des projets culturels organisés au sein des Galeries Lafayette et de toutes les expositions programmées à la Galerie des Galeries, un espace culturel de 300 m² au cœur du magasin Haussmann. Cette expérience a été particulièrement enrichissante car tout était à développer : la communication, les ...
Lire la suite >>>Par FRANÇOIS BLANC
Toutes ses contributions >>>
Par RAPHAËL TURCAT
Toutes ses contributions >>>