
Depuis janvier 2020, Muriel Sassen est la responsable de la communication et des publics du musée d’art et d’histoire du Judaïsme (mahJ).
Dans un contexte géopolitique très sensible, elle décrit la manière dont elle a choisi de communiquer sur l’Histoire et la culture du Judaïsme, sans empiéter sur le territoire du Mémorial de la Shoah.
Lorsque vous êtes arrivée fin 2019 au mahJ, vous êtes-vous heurtée à beaucoup de difficultés pour, au moment du déconfinement, faire revenir les visiteurs ?
Nous avons eu la chance d’avoir une très belle exposition sur l’École de Paris, avec Chagall, Modigliani… sur laquelle nous avions travaillé durant tout le confinement et qui a attiré près de 60.000 visiteurs, malgré les restrictions imposées de jauge.
Nous étions donc prêts dès que les portes se sont rouvertes.
Comment parvient-on à faire de la médiation culturelle un outil dans le cadre du devoir de mémoire ?
Le travail de mémoire revient avant tout au Mémorial de la Shoah.
La mission du mahJ est de montrer que le judaïsme existe depuis 2.000 ans en France et de raconter l’histoire des Juifs de France et plus généralement de l’Europe et de tout le pourtour méditerranéen à travers les arts.
Par quel angle abordez-vous alors la question de la Shoah ?
Nous ne nous interdisons pas de l’évoquer mais elle ne figure pas comme la partie majeure de notre mission. En revanche, nous abordons régulièrement les l’impact de la Shoah sur les artistes et les intellectuels juifs.
La prochaine exposition sera consacrée à l’Affaire Dreyfus.
Le mahJ en a également organisé d’autres, très diverses, sur les Juifs d’Algérie, La Splendeur des Camondo, de Constantinople à Paris, Roman Vishniac, , Sigmund Freud, la magie, la bande dessinée…
Précisément, le musée a multiplié les expositions de dessinateurs juifs de BD comme Joann Sfar, ce qui a permis d’attirer des visiteurs plus jeunes…
C’est l’un des effets bénéfiques de ces expositions. Beaucoup des premiers dessinateurs de BD étaient d’ailleurs des juifs américains.
Les Juifs ont joué un rôle précurseur et fondamental dans l’histoire de la bande dessinée.
C’est toutefois dans un esprit de mémoire que vous avez cherché à honorer celle des « Artistes Martyrs » ?
Au moment de l’exposition sur l’École de Paris, nous avons organisé effectivement une petite exposition sur les « Artistes Martyrs ».
Le titre venait d’un journaliste, Hersh Fenster, très introduit dans les milieux artistiques de Montparnasse.
Lorsqu’il est revenu de la guerre, Fenster a constaté à quel point le milieu artistique juif avait été décimé et a décidé d’écrire un livre, « A nos Artistes Martyrs », qui est une bibliographie de ces artistes morts souvent en déportation, afin qu’on ne les oublie pas.
Nous avons effectué des recherches, illustré le livre rédigé en yiddish avec les photos des artistes juifs - Léon Weissberg, Ephraïm Mandelbaum, Chaim Soutine, Georges Cars, Henry Epstein, Jacob Maczmik…- et l’avons traduit puis publié en français.
Il existait un rapport évident entre « A nos Artistes Martyrs » et la Shoah mais nous l’avons traité sous un angle artistique.
Vous dispensez des formations pour aider les enseignants à prendre la parole sur des sujets aussi sensibles que la Shoah ou l’attaque du 7 octobre 2023…
Les professeurs peuvent effectivement s’inscrire à des formations sur l’histoire des Juifs en France, l’antisémitisme, la spoliation des biens juifs et nous leur donnons des outils pour s’exprimer sur ces questions.
Notre rôle est double: pour les très nombreux Français qui sont heurtés directement ou indirectement par la flambée des actes antisémites, nous organisons régulièrement des événements à l’auditorium du musée qui ont pour thématique la question de l’antisémitisme, historique et contemporain.
Mais nous avons aussi pour mission de lutter contre ce fléau en proposant de nombreuses actions, notamment en faveur de la jeunesse ou d’adultes encadrants confrontés à ces violences : professeurs, policiers, magistrats.
En 2024, nous avons accueillis plus de 7200 élèves, c’est une mission fondamentale pour le mahJ.
En dépit de la taille réduite du mahJ, vous parvenez à monter des expositions souvent médiatisées…
La qualité de projets du mahJ est en effet souvent saluée. Ces expositions bénéficient d’ailleurs souvent de prêts d’institutions françaises comme le Louvre, Orsay, la BNF et sont régulièrement reprises par d’autres musées juifs européens…
Nous avons la chance -hors Etats-Unis et Israël- d’avoir la collection la plus importante en Europe car la France a toujours eu une communauté juive elle-même très importante.
La base de la collection du mahJ est d’ailleurs à la fois composée d’œuvres issues du Musée d’Art Juif, créé après- guerre par des survivants…et par ailleurs, d’une très importante collection déposée par le musée de Cluny et héritée d’Isaac Strauss, premier collectionneur d’objets rituels juifs.
Comment la communication du mahJ a-t-elle été impactée par le conflit israélo-palestinien ?
Nous avons été plutôt épargnés par des actes directs d’antisémitisme et nous continuons de communiquer comme avant.
Le musée n’a pas recensé d’actes de malveillance, de graffitis, mais il est vrai aussi qu’il est recouvert par deux grandes bâches (promotionnelles).
En revanche, au moment de l’exposition Joann Sfar entre octobre 2023 et mai 2024, nos affiches dans le métro ont été taguées. Mais on pouvait s’y attendre...
Avez-vous constaté de l’appréhension chez vos visiteurs après l’attaque du 7 octobre ?
C’est très difficile à mesurer. Immédiatement après le 7 octobre, il y a eu effectivement une dame qui était venue en début de visite voir l’exposition Sfar mais qui n’est restée qu’un quart d’heure en expliquant : « J’ai trop peur, il faut que je reparte… »
Pourtant, le mahJ est le musée le plus sécurisé de Paris, mais différemment à d’autres endroits emblématiques de la culture juive, comme les synagogues devant lesquelles il y a toujours un militaire.
Comment avez-vous travaillé sur votre communication durant le conflit que nous connaissons?
Nous avons mené des communications spécifiques auprès des abonnés à nos newsletters. Mais nous sommes un musée et non une arène politique et il fallait que le musée conserve sa juste place.
Toutefois, c’était très sensible et il était impossible de faire comme si rien ne s’était passé.
Une terrible coïncidence, c’est que le 7 octobre 2023, nous avions l’accrochage d’une œuvre de Chana Orloff, une artiste juive venue d’Ukraine et arrivée à Paris dans les années 1910.
Son atelier avait été pillé pendant la guerre et cette œuvre, représentant son fils à l’âge de 3 ans, avait disparu avant d’être retrouvée aux Etats-Unis. La famille a souhaité la déposer au mahJ.
Mais le 7 octobre, dix descendants de ses frères et sœurs qui vivaient dans les kibboutz ciblés, ont été attaqués et trois d’entre eux sont morts.
Comme la famille française souhaitait communiquer sur ce qui s’était passé, nous nous sommes permis de relayer cette communication le jour de l’accrochage.
De manière plus large, comment travaillez-vous sur le mahJ pour améliorer son espace et rendre encore plus « lisibles » les expositions ?
Nous travaillons activement au projet de rénovation et d’extension du musée. Nous voulons élargir les salles du musée, changer les espaces d’expositions de place car les salles sont très exigües…
L’ambition est aussi de réinstaller la collection permanente car il y a des « trous » avec l’agencement actuel pour tenir un discours compréhensible pour les personnes qui ne connaissent pas bien l’histoire du judaïsme.
Des transitions manquent, tantôt géographiques, tantôt temporelles.
Le mahJ sera un lieu formidable pour comprendre l’histoire des Juifs en France. Lutter contre l’antisémitisme passe par la connaissance de ce qu’est le judaïsme et sa culture, qui est loin de n’être que la mémoire de tous les actes antisémites qui ont pu se produire à travers les siècles.
GRAPHISTE
"L’identité visuelle est un repère essentiel pour le public"© Carlos Freire
Philippe Apeloig est un maître dans son domaine. Graphiste, artiste, théoricien il a imaginé un livre/objet mémoriel exceptionnel par son propos et sa forme, Enfants de Paris, 1939-1945, consacré aux plaques commémoratives parisiennes.
Il est le créateur, entre autres, des logos, images de marque des Musées de France, et du musée Yves Saint-Laurent à Marrakech. Art 360 y Communic’Art ne pouvait que s’intéresser à un tel créateur de sens.
Pour un musée, un théâtre ou un festival, l’identité visuelle et le logo sont aussi importants que pour une marque de grande consommation. Comment parvenez-vous à donner une forme graphique à une ambition culturelle ?
Lire la suite >>>FONDATION FERNET-BRANCA
"Art et gastronomie ont fait progresser notre fréquentation"Pierre-Jean Sugier directeur de la Fondation Fernet-Branca
La Fondation Fernet-Branca, sise à St Louis entre Mulhouse (France) et Bâle (Suisse) a su trouver sa place dans la géographie de l’art contemporain. Elle est devenue une étape obligée pour bien des visiteurs de Art Basel. Art 360 by Communic’Art est allé demander à son directeur Pierre-Jean Sugier les ingrédients de cette réussite malgré des moyens de communications très limités.
Comme son nom ne l’indique pas, la Fondation Fernet-Branca n’est pas liée à la marque d’alcool autrement que par l’historique du bâtiment ?
Pierre-Jean Sugier : L’idée de la fondation Fernet-Branca a germé en 2003 lors d’une visite de l’architecte Jean-Michel Wilmotte à Saint-Louis. Dans le bâtiment classé de l’ancienne distillerie, fermé en 2 000, le député maire Jean Ueberschlag a voulu créer sur 1 500 m2 un espace dédié à l’art contemporain.
Le nom de la Fondation ...
Lire la suite >>>CO-FONDATEUR D’ARTEïA
"Sécurité et confidentialité des données sont une priorité pour nous collectionneurs"Olivier Marian, co-fondateur d'Arteïa
Olivier Marian, CSO et co-fondateur d’Arteïa, la puissante plate-forme de catalogage de collections d’art commercialisée depuis septembre 2018, décrit pour le blog Art 360 by Communic’Art les fonctionnalités qui font sa différence. Il revient également sur la question de la nécessaire communication à mettre en œuvre au-delà du « bouche à oreille » traditionnel du secteur.
CSO et co-fondateur d’Arteïa, vous avez une double expérience d’ingénieur en informatique et de collectionneur, bien utile en l’espèce ?
Olivier Marian : En effet, je suis ingénieur en informatique, entrepreneur et investisseur, mais aussi collectionneur.
Mes parents sont de grands collectionneurs d’art, et ne trouvant pas d’outil satisfaisant sur le marché, j’avais créé ma propre base de données pour gérer cette collection familiale.
J’ai ensuite rencontré en 2016 des ...
Lire la suite >>>Génial médiateur de Caravage à Lucien Freud
"Hector Obalk, médiateur exceptionnel, est un touche à tout qui ne se disperse pas."Hector Obalk, historien de l'art, critique d'art et réalisateur français.
Créateur de Grand Art sur Arte, d’albums didactiques sur Michel Ange, et de nombreuses critiques dans nombre de magazines grand public Hector Obalk, médiateur exceptionnel, est un touche à tout qui ne se disperse pas.
Éclectique dans la forme, il a l’art et la manière de surprendre , poursuivant un but unique : partager son amour pour les créateurs de génie et leurs œuvres. A l’attention de tous les médiateurs, il dresse pour Art 360 by Communic’Art un bilan de ses expériences pédagogiques. Et annonce son prochain spectacle.
Vous avez une expérience de quarante années de pédagogie, appliquée à l’art, et déclinée en films, en livres, en BD, en one man shows. Selon vous, l’augmentation de la fréquentation des musées et des expositions va-t-elle de pair avec une volonté d’en savoir toujours plus sur les artistes et sur les œuvres ...
Lire la suite >>>Par FRANÇOIS BLANC
Toutes ses contributions >>>
Par FRANÇOIS BLANC
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