Art 360° by Communic'Art,
le blog de la communication et
de la médiation dans l'art et la culture...
Art 360°
by Communic'Art,
le blog de la communication
et de la médiation
dans l'art et la culture...
 
Benoit Janson, restaurateur d’œuvres d’art "Un passeur entre l’artiste et le public"
Artistes | Arts
Daniel Bernard | 09.10.2019 | 13:50

Benoit Janson restaurateur oeuvre d'art artiste


Daniel Bernard
Journaliste
Biographie >>>

Depuis l’âge de 19 ans, Benoît Janson exerce le métier de restaurateur d’œuvres d’art. Pour une nana de Niki de Saint-Phalle, un outrenoir de Soulages ou une pièce du XVIIème, il conçoit son geste de soignant comme un travail de communication.
 

Lorsque vous réparez les dommages du temps et restituez le geste de l’artiste, votre métier de restaurateur d’œuvre d’art est bien celui d’un passeur ?

Benoit Janson : Un passeur entre l’œuvre et son public d’aujourd’hui ? Pourquoi pas, puisque je cherche me rapprocher au plus près de la vérité d'une œuvre d'art, et plus précisément de l'esprit de l’artiste au moment où il a créé.
Mais je me considère surtout comme un soignant, car mon but n'est autre que de tenter de conserver au mieux cette œuvre blessée par le temps ou par la main de l'homme. Afin qu'elle traverse les années et les futures générations renforcée, voire guérie. Mais sans chirurgie invasive ou esthétique...  
Je parle de « guérison », j'interviens là où ça fait mal, pas pour faire joli.

 

En charge de la restauration d’une toile monumentale découverte au hasard d’un chantier, celui du show-room d’Oscar de la Renta rue de Marignan à Paris, votre atelier a été propulsé à la une de tous les journaux et télévisions du monde. Comment faire fructifier cette notoriété ? 
Benoit Janson : Pour notre atelier, déjà connu pour son expertise sur les œuvres d’art contemporain  - plus de cent Soulages et tant de Mathieu sont passés par nos mains ! - ce travail associé à une grande marque de luxe est une exceptionnelle carte de visite à destination de l’Amérique et de l’Asie. 
Après avoir fait partager l’émotion de la découverte de cette œuvre de l’époque du Roi-Soleil, figurant la Jérusalem Céleste, une équipe de quatre personnes de notre atelier a travaillé six mois durant, dans le silence. 
En outre, nous avons eu envie de faire appel aux meilleurs historiens et aux meilleurs scientifiques pour consigner, dans deux rapports aujourd’hui disponibles, toutes les données techniques qui étayent et complètent le savoir-faire, parfois intuitif, de notre atelier fondé il y a 40 ans.
En tant que restaurateur je me suis tout de suite projeté dans ce que pourrait être cette œuvre après mon intervention. Mon imagination recréait les couleurs d'origine. Un protocole commençait à se mettre en place pour lui rendre sa superbe. Le ciel noirâtre retrouvait ses bleus d'origine, les détails dans les feuilles des arbres apparaissaient alors que l'on ne pouvait encore qu'à peine les discerner. 

Dans un premier temps, il était nécessaire d'effectuer un nettoyage de la peinture afin de supprimer cette crasse. Sous celle-ci nous avons observé une importante couche de vernis, oxydé par le temps, devenue brunâtre, fonçant considérablement la peinture. Un allégement du vernis a permis de retrouver tout l'éclat des couleurs ainsi que de nombreux détails. Puis un dégagement des anciens repeints désaccordés a été effectué.
Les nombreuses lacunes de peintures ont ensuite été mastiquées. La réintégration colorée a permis de rétablir l'unité esthétique d'ensemble de manière illusionniste. Le repiquage des nombreuses usures a finalement redonné toute la finesse et la subtilité des modelés. L'œuvre était enfin lisible. La dernière étape a consisté en l'application d'une couche de vernis qui a rendu à ce tableau toute sa profondeur et sa splendeur. 

 

D’où vient cette magie qui valorise une œuvre engloutie bien davantage que des trésors équivalent bien conservés dans les châteaux et les musées ?
Benoit Janson : A la différence d’une visite au musée, précédée d’une pré-visite sur internet, cette découverte frappe l’imagination, comme pour le tombeau de Toutankhamon ou le Phare d'Alexandrie, toutes proportions gardées. On peut parler de magie.
Dans notre monde sous contrôle, l'imagination prend le pouvoir. Les passions se déchaînent : qui était le personnage principal de cette scène ? Quelle était cette époque où la France était pour l'Europe entière « la » référence ! Faire renaître cette époque fait partie de notre travail.

 

En facilitant la pleine appréciation de l’œuvre, vous êtes, vous aussi en quelque sorte un communicant…
Benoit Janson : Permettre à une œuvre de continuer de vivre, c’est la rendre à nouveau lisible ou compréhensible. Une forme de communication, en effet. 
Ceci étant, mon premier souci, c'est l'œuvre, pas les yeux du collectionneur ou du public qui la regarderont. C'est elle qui est face à moi et qui à chaque fois me lance un défi : comment faire techniquement pour lui rendre sa vérité sans intervenir dans le processus créatif initial ?
Le temps n'est plus comme au XIX ème siècle où il était de mise qu'un restaurateur « repeigne » littéralement le tableau en imaginant ce qui pouvait bien se cacher il y a des siècles dans les lacunes offertes à son talent. Le public n'a pas besoin de ça, il est davantage averti aujourd'hui. 
L'intention de l'artiste il la perçoit, il la sent ; nous intervenons pour lui faciliter cette perception.

 

Qu’est-ce qui distingue, selon vous, une œuvre restaurée d’un faux ? Du point de vue du droit, c’est facile. Mais du point de vue du public qui l’admire, la réponse pourrait être moins évidente...
Benoit Janson : A priori rien, ! Dans le cas où l'intention n'est pas celle de tromper, si une œuvre apparaît «trop» restaurée, c'est qu'à la base elle était quasiment «perdue». Par souci d’éthique professionnelle, je plaide pour qu'une œuvre restaurée à plus de 20 % soit annoncée comme telle.
Certaines Maisons de Ventes font appel à moi pour faire un rapport d'état de chaque œuvre qui sera présentée à la vacation, je trouve que c'est une position très correcte vis à vis des acheteurs.

Retour à l'accueil du Blog

Quelle façon de se faire “transporter” par l’art ?
Arts | Design | Médias
FRANÇOIS BOUTARD | 05 Mai 2015 | 03:05

Exposition itinérante "Bus-Expo" en partenariat avec Air France

Quelle communication pour le financement participatif de la culture ?
Arts | Marché | Mécénat
FRANÇOIS BOUTARD | 10 Avril 2015 | 07:04

Table de Teschen acquise en janvier 2015 grâce au financement participatif © Musée du Louvre 2014

Responsable du master affaires publiques filière culture de Sciences Po Paris
Institutions | Marché | Mécénat | Médias
PAULINE WEBER | 08 Avril 2015 | 05:04

Devant l'entrée de Sciences Po Paris

Directeur du Mastère spécialisé en Management des Entreprises Culturelles et des Industries Créatives à ESC Dijon-Bourgogne.
Institutions | Marché | Mécénat | Médias
PAULINE WEBER | 25 Mars 2015 | 03:03

Le Campus groupe ESC Dijon-Bourgogne

Billets des éditorialistes

Les derniers articles

2024

2022

2021

2020

2019

2018

2016

2015

2014

2013


 
 
Le blog 360° est une production Communic'Art