Claudia Ferrazzi, ex-conseillère chargée de la culture et des médias au cabinet d’Emmanuel Macron a créé Viarte pour sortir les managers d’un certain conformisme. Viarte, conseil, invite à s’inspirer de l’art pour diriger autrement.
A travers le mécénat, notamment, les entreprises ont pris l’habitude d’instrumentaliser l'art à des fins de communication. La proposition de Viarte se veut très différente. En quoi consiste- t-elle ?
Claudia Ferrazzi : Le problème est que nos modèles de formation, de recrutement, de carrière des dirigeants et d’organisation des entreprises se fondent essentiellement sur des compétences centrées sur la technicité.
Les entreprises savent que l’innovation accroît leur valeur réputationnelle et économique mais la réalité les contraint souvent à adopter une vision à court terme, qui n’incite pas à s’éloigner des sentiers battus ou à prendre des risques.
Ma conviction est que la création artistique permet de réduire cette contradiction.
Notre objectif est de répondre à un besoin identifié par les entreprises : celui de développer, dans leur management, les compétences qui feront la différence au XXIe siècle. L’exercice de la subjectivité, l’émotion et la conscience de la complexité humaine sont les fondements de la création artistique. Les managers et les entreprises gagneraient à s’y confronter davantage.
Imaginer des choses inédites, rêver de mondes différents et créer des connexions qui n’existent pas encore, favorise l’innovation et en profondeur des relations humaines qui sont parfois irrationnelles.
Le constat est banal, mais les deux univers se côtoient peu, et souvent pas sur l’essentiel. La recherche sur les apprentissages, qui nourrit le projet de Viarte, vise à rendre cette rencontre possible et profitable tant pour les individus que pour les entreprises.
Comment est-il possible et de bon conseil d’amener des dirigeants d’entreprises à analyser leur business avec les lunettes de l’amateur d’art ?
Claudia Ferrazzi : Ma promesse, c’est un changement réel et profond dans la manière dont les individus et les entreprises imaginent leur avenir.
L’idée m’est venue en observant la façon dont des dirigeants avaient modifié leur vision de l’entreprise grâce à la création artistique. L’exemple le plus connu est le design du Macintosh d’Apple, né après un contact – quasi fortuit – de Steve Jobs avec la calligraphie chinoise pendant ses années d’université.
Quand la création et l’esthétique sont manifestes – dans les entreprises liées au luxe, au design, à l’architecture, par exemple – les deux univers se rencontrent facilement et quasi naturellement ; les collaborations avec les artistes sont dans ce cas nombreuses et souvent fondatrices.
Mon profil et mon expérience du secteur culturel, du musée du Louvre à la Villa Médicis, me conduisent à penser que ces contributions naturelles peuvent être élargies et s’appliquer à la gestion des ressources humaines et au management des entreprises.
Renault qui expérimente des méthodes d’art thinking à partir d’un spectacle de danse pour réfléchir à la mobilité ou à l’inclusion. BPCE emprunte les chemins de la création en art plastique pour « penser l’incertitude » avec le Centre Pompidou et l’ESCP Business School.
Ces entreprises tirent de ces expériences des visions durables, sensibles, qui incitent les managers à repenser leur rôle et la raison d’être de leur entreprise, en parallèle de la montée en puissance des machines et de l’intelligence artificielle.
M’inspire également mon engagement dans la Saison Africa 2020 qui a consisté à convaincre des entreprises de bâtir des relations durables avec leurs partenaires africains par le biais de la création, en se rapprochant des artistes de ce continent et en adoptant un autre point de vue que le regard occidental traditionnel.
L’esprit littéraire et la bonne disposition à l’endroit des arts se repèrent dans les discours d’Emmanuel Macron. Avez-vous observé une influence plus profonde de cette culture dans la manière de gouverner et dans tel ou tel choix ?
Claudia Ferrazzi : Je compare souvent l’esprit littéraire et l’intérêt pour la création à des gymnastiques qui font travailler les muscles profonds du corps, le Pilate, le Yoga, certains arts martiaux, par exemple.
Les résultats sont réels, scientifiquement prouvés, mais n’apparaissent pas tout de suite, on ne voit pas de tablettes de chocolat sur le torse, on ne bat pas de record de vitesse ; c’est en observant la posture, la capacité de concentration et la sérénité qu’on comprend que la personne s’est beaucoup entraînée !
A mes yeux, la pratique des arts agit sur les muscles profonds de nos cerveaux et de ceux de nos décideurs. C’est leur vision à moyen-long terme qui s’en ressent. La vision universaliste du Président de la République, et son obsession du multilatéralisme, qui l’oppose aujourd’hui souvent aux Etats-Unis et à la Chine, viennent de là, de la création universelle, en musique et en littérature particulièrement.
Quitter cette expérience me permet aujourd’hui de revenir sur la politique culturelle de l’Etat, mais surtout sur les racines profondes de notre relation à la création artistique et à ce qu’elle peut apporter à la société.
Malheureusement ces deux dimensions sont trop souvent séparées, parfois elles s’opposent même, lorsqu’on ne voit pas que la société et la création ont évolué, alors que nos outils de politique culturelle se sont figés en couches superposées, qu’on peine à faire bouger.
Du point de vue des artistes, que peuvent apporter des dirigeants, des entreprises et des marques à la construction ou à la diffusion d’une œuvre ?
Claudia Ferrazzi : Les artistes recherchent des nouveaux publics, amateurs, collectionneurs, citoyens qui sachent regarder leurs œuvres avec leurs yeux et leur cœur, en les faisant rentrer dans la société, et pas seulement par le prisme des quotations du marché de l’art. Les managers non-initiés à l’art sont un public formidable pour les artistes.
Par ailleurs, les artistes ont besoin de moyens de production ; le projet de Viarte leur en fournira, par des prix, des résidences, des relations pérennes avec les entreprises.
L’art est une « lingua franca », mais l’art peut être aussi un signe de distinction sociale. Dans votre approche, prioritairement tournée vers le monde des affaires, jouez-vous sur ces deux registres « en même temps » ?
Claudia Ferrazzi : Mon raisonnement est simple : pourquoi tirons-nous tous les enseignements des dernières avancées des sciences de l’apprentissage (qui comprennent les neurosciences, les sciences de l’information, la psychologie, la philosophie, la pédagogie, etc.) pour l’école, et pas pour des secteurs où nos concitoyens passent le plus clair de leur temps et de leur vie, c’est-à-dire leur entreprise, leur quotidien de travail ?
La capacité à traverser les frontières disciplinaires, qu’elles soient professionnelles ou géographiques est sans doute la clé de voûte de l’acquisition des compétences du XXIe siècle. Réfléchir par analogie, enrichir une discipline ou un pays de ce qu’on a expérimenté ailleurs ou dans un autre domaine conduisent à l’humilité et offrent une capacité formidable à se questionner, à aborder les problèmes de manière novatrice tout en prenant des risques mesurés.
Je trouve qu’à l’échelle de la société, il faut introduire la création là où on peut atteindre des gens, y compris et surtout ceux qui ne sont pas familiarisés avec les milieux de la création. C’est une manière, parmi d’autres, de casser le cercle des initiés.
Le Musée de l’Elysée de Lausanne doit s’intégrer dans le projet muséal PLATEFORME 10, vaste regroupement architectural culturel et de loisirs dont le musée sera l’un des piliers en 2021, Julie Maillard en décline la communication au présent et au futur, au singulier et au pluriel. Exercice de transition au moment où le Musée se réinvente
Comment avez-vous conçu la communication sur l’évolution des missions du Musée de l’Elysée (collection et expositions… ), mais aussi sur son implantation au sein d’une « Plateforme » culturelle ?
Lire la suite >>>Danseuse et chorégraphe, Dominique Hervieu fait corps, avec la même passion, avec ses fonctions de directrice de la maison de la Danse. Jusqu’au détail des questions de billeterie, rien ne lui échappe. La communication n’est pas un gros mot pour celle qui s’est fixé le défi de faire découvrir toutes les danses à tous les publics.
En prenant à Lyon les commandes de la Maison de la Danse, en 2011, vous affichiez l’ambition de désenclaver cette discipline, à tous les sens du terme. Quels critères permettent de mesurer les progrès accomplis ?
Dominique Hervieu : Pour une institution culturelle soumise à une éthique de service public, comme pour un artiste qui souhaite partager sa sensibilité, mieux vaut savoir à qui l’on s’adresse.
Lire la suite >>>Philippe Apeloig est un maître dans son domaine. Graphiste, artiste, théoricien il a imaginé un livre/objet mémoriel exceptionnel par son propos et sa forme, Enfants de Paris, 1939-1945, consacré aux plaques commémoratives parisiennes.
Il est le créateur, entre autres, des logos, images de marque des Musées de France, et du musée Yves Saint-Laurent à Marrakech. Art 360 y Communic’Art ne pouvait que s’intéresser à un tel créateur de sens.
Pour un musée, un théâtre ou un festival, l’identité visuelle et le logo sont aussi importants que pour une marque de grande consommation. Comment parvenez-vous à donner une forme graphique à une ambition culturelle ?
Lire la suite >>>Pierre-Jean Sugier directeur de la Fondation Fernet-Branca
La Fondation Fernet-Branca, sise à St Louis entre Mulhouse (France) et Bâle (Suisse) a su trouver sa place dans la géographie de l’art contemporain. Elle est devenue une étape obligée pour bien des visiteurs de Art Basel. Art 360 by Communic’Art est allé demander à son directeur Pierre-Jean Sugier les ingrédients de cette réussite malgré des moyens de communications très limités.
Comme son nom ne l’indique pas, la Fondation Fernet-Branca n’est pas liée à la marque d’alcool autrement que par l’historique du bâtiment ?
Pierre-Jean Sugier : L’idée de la fondation Fernet-Branca a germé en 2003 lors d’une visite de l’architecte Jean-Michel Wilmotte à Saint-Louis. Dans le bâtiment classé de l’ancienne distillerie, fermé en 2 000, le député maire Jean Ueberschlag a voulu créer sur 1 500 m2 un espace dédié à l’art contemporain.
Le nom de la Fondation ...
Lire la suite >>>Par FRANÇOIS BLANC
Toutes ses contributions >>>
Par RAPHAËL TURCAT
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